Affaire Wallace (27 juin 2020)

Source: Proceso
Auteur: Ricardo Raphael
Le 27 juin 2020 (Publication originale en Espagnol le 15 décembre 2019)
Traduction: Emily Freele

Wallace, complice de Gualberto Ramírez

 

En juin 2014, la journaliste Anabel Hernández a été dénoncée par Isabel Miranda de Wallace devant la SIEDO (Bureau du Sous-procureur en charge des enquêtes sur le crime organisé), dont le chef à l’époque était Rodrigo Archundia Barrientos. Elle a été accusée de falsification de documents, d’actes contre la justice, de menaces et de diffamation.

La dénonciation était aussi ridicule que rocambolesque : il n’existe aucun précédent similaire où une journaliste a été accusée par le Bureau du Procureur Général de la République (Procuraduría General de la República ou PGR) de complicité avec le crime organisé en raison de son travail.

Le 31 mai 2014, Anabel Hernández a publié (Proceso 1960) une série de documents qui suggéraient l’existence d’au moins deux identités officielles pour le fils disparu d’Isabel Miranda de Wallace. La victime présumée avait deux certificats de naissance et deux CURP (registres des identifiants uniques de la population).

Cinq ans plus tard, la version exposée par Hernández a été confirmée. Il existe aujourd’hui des preuves de laboratoire qui attestent, d’un point de vue génétique, qu’Hugo Alberto Wallace Miranda est en fait le fils de Carlos León Miranda.

Ce matériel coïncide avec l’acte de naissance d’Hugo Alberto, enregistré en 1970 par ses parents avec leur nom de famille.

Le rapport de Hernández a été le premier à réellement exposer les fabrications de l’affaire Wallace. On peut donc comprendre qu’à l’époque, Isabel Miranda a fait tout ce qui était en son pouvoir pour faire dérailler les enquêtes de la journaliste. Elle a utilisé l’énorme influence qu’elle avait sur le sous-procureur général Archundia et aussi sur l’unité anti-kidnappings rattachée à la SIEDO, dont le chef était Gualberto Ramírez Gutiérrez.

Pour fabriquer la plainte contre Anabel Hernández, les agents du bureau du procureur général ont commis des actes arbitraires et illégaux qui méritent aujourd’hui d’être signalés :

La première victime de cette fabrication a été Giel Meza, un avocat des droits humains qui est maintenant associé à En Vero, une organisation canadienne qui soutient les victimes de l’affaire Wallace.

Le dimanche 13 juillet 2014, Giel Meza a été enlevé près de son domicile par deux hommes et deux femmes. Ils l’ont poussé dans un véhicule sans aucun lettrage ni plaques d’immatriculation officielles, puis l’ont conduit au bureau de la  SIEDO située sur la place de la République (Plaza de la República).

En arrivant à cette adresse, ses ravisseurs se sont identifiés comme des agents de la PGR et l’ont informé qu’il était transféré en tant que détenu en raison d’une plainte déposée contre lui concernant l’enquête sur l’affaire Wallace.

Cependant, dès qu’il a franchi le seuil de ce bâtiment, son statut a changé. Le chef de cette unité, Gualberto Ramírez, l’a informé qu’il était en fait là en tant que témoin.

Giel Meza, étant diplômé en droit, a demandé des explications : pourquoi a-t-il été “ramassé” sans mandat d’arrêt ? Et pourquoi, s’il avait été amené à la SIEDO comme témoin, a-t-il été traité comme un criminel ?

En réponse, Gualberto Ramírez a envoyé l’avocat Meza au sous-sol de la SIEDO afin qu’un médecin puisse confirmer sa bonne santé, c’est-à-dire certifier que les agents de l’enlèvement ne lui avaient pas fait de mal.

Puis, pendant plus de six heures, Meza a été interrogé dans une salle bondée d’agents. Il a dit qu’il n’avait jamais eu autant peur de sa vie.

Les agents voulaient savoir s’il avait fourni des documents concernant l’identité du fils de Mme Wallace. Ils se sont également enquis des autres personnes qui auraient pu fournir au journaliste le matériel publié.

Après un interrogatoire exténuant, Meza a été libéré. Aujourd’hui encore, l’avocat se souvient des cris de colère de Gualberto Ramírez, qui l’accusait d’entraver une enquête très importante de la PGR.

Quelques jours plus tard, la même opération a été répétée, mais cette fois contre Enriqueta Cruz, dont la fille Brenda Quevedo Cruz, est une jeune femme accusée d’un très improbable enlèvement et meurtre.

Enriqueta Cruz est une femme de plus de 60 ans et pourtant ne méritait aucun respect de la part du tsar d’anti-enlèvements. Elle a été conduite à la SIEDO par des agents qui l’ont arbitrairement emmenée dans le même sous-sol où Giel Meza se serait trouvé auparavant.

Là, ils l’ont déshabillée, humiliée, et lui ont fait savoir que les autorités pouvaient faire tout ce qu’elles voulaient d’elle et de son corps.

Vulnérable après cette expérience désagréable, Enriqueta s’est rendue au bureau de Gualberto Ramírez Gutiérrez où elle a dû subir les cris de l’agent.

Ramírez l’a avertie que Mme Wallace était une amie de la maison et l’a réprimandée pour avoir tenté de faire dérailler l’enquête sur l’affaire Wallace.

L’agent voulait connaître des noms : qui avait donné les certificats de naissance à Anabel Hernández ? qui avait donné les CURP d’Hugo Alberto ?

Après de nombreuses heures d’agression, Enriqueta Cruz a aussi été finalement libérée. Mais les déclarations obtenues par des méthodes si arbitraires ont ensuite été versées dans la dénonciation par laquelle la PGR voulait persécuter Anabel Hernández. L’objectif d’Archundia et de Ramírez, mais surtout d’Isabel Miranda, était d’inhiber de futures enquêtes sur l’affaire Wallace.

Gualberto Ramírez Gutiérrez, ancien chef de l’unité anti-kidnappings de la PGR, est maintenant confronté à des graves accusations provenant d’une autre affaire. Mme Ana Patricia Moller Vuilleumier l’a dénoncé, ainsi que six autres procureurs, pour falsification de documents, simulation de preuves, association de malfaiteurs, torture et traitement cruel et inhumain.

Sur la base des témoignages de Giel Meza et Enriqueta Cruz, ces accusations deviennent plausibles.

Quelques questions sont de plus en plus pertinentes ces jours-ci : comment Isabel Miranda a-t-elle obtenu de Wallace autant de pouvoir pour faire de l’unité anti-enlèvements de la P.G.R. un instrument de ses ambitions ? Qu’est-ce qui la lie vraiment à Rodrigo Archundia Barrientos et Gualberto Ramírez Gutiérrez ?