Source: Periodismo sin fronteras
Auteur: Ricardo Puentes Melo
Le 21 juillet 2017
Traduction (Publication originale en Espagnol le 21 avril de 2017)
Note : Nous avons décidé de ne publier que la seconde partie de l’article de Ricardo Puentes Melo. Dans cette deuxième section, l’auteur revient sur le cas de l’avocate et défenseure des droits de l’humain Lorena Leal Castaño. La première partie de l’article contient des éléments que nous ne souhaitons pas publier, d’une part car du fait qu’ils ne sont pas en lien direct avec l’affaire qui nous concerne, d’autre part parce qu’En Vero ne partage pas certaines des vues de l’auteur.
Une mafia des droits des humains ?
Quel intérêt a Piracón de protéger et défendre Gutiérrez, tout en poursuivant l’avocate Lorena Leal ? Cherche-t-il seulement à poursuivre des militaires ? Ou alors cette affaire serait-elle en lien avec l’homicide de Maria Claudia Castaño, cousine de Lorena et assassinée par son époux, le conseiller municipal de Cúcuta Julio César Vélez Gonzalez ?
Parmi des accords malsains, notons la relation qu’entretient José Lindon Piracón Puerto, procureur n°73 en charge des droits humains et le caporal à la retraite Néstor Guillermo Gutiérrez Salazar, accusé de plusieurs homicides et qui « devrait » être jugé pour quatre assassinats. Il le « devrait », mais ce n’est pas le cas. Le procureur Piracón lui a en effet rendu un petit service en échange de sa collaboration contre l’institution militaire et les avocats qui défendent des militaires.
Guitiérrez avait été convoqué par le bureau du procureur en lien avec divers homicides, si bien que le 6 aout 2009 un mandat d’arrêt est lancé contre le caporal, avec pour ordre de l’incarcérer dans les cellules de la brigade 30. Mais, comme dans le cas d’une opération mafieuse, un mystérieux document judiciaire signé par Lindon Piracón, requit que Gutierrez soit transféré aux cellules du DAS (note traduction : « Département administratif de sécurité », service de renseignement Colombien dissout en 2011). Une action complètement illégale qui aura son explication.
Le jour suivant, Gutiérrez comparait devant Piracón, le procureur n°73, et rend sa déclaration ministérielle. Il avoue tout et implique plusieurs officiers que le président Santos avait promus lorsqu’il était ministre de la défense : les « Faux Positifs ». Le jour de cette déclaration, Gutiérrez se présente devant le procureur en montrant des signes évidents de torture. Trois jours plus tard, le 10 août, Gutiérrez, déjà en remplacement, écrit une lettre au procureur Piracón dans laquelle il l’accuse de l’avoir envoyé au DAS pour y être torturé et contraint à témoigner contre des officiers de haut rang. Le 18 novembre, Guitiérrez porte plainte au pénal contre Piracón. Par la suite, le 21 novembre 2009, Guitérrez amplifie sa déclaration et énumère toutes les atrocités auxquelles il a été soumis lors de son passage dans les locaux du DAS, ainsi que les pressions de la part de Piracón afin qu’il accuse à tort plusieurs officiers de l’armée. À cette occasion, il revient sur sa déclaration et assure avoir menti le 7 août afin d’obéir aux ordres du procureur.
Le 18 novembre 2009, s’ouvre un procès contre le procureur Piracón, accusé de prévarication. En février 2010, le caporal Gutiérrez étend la plainte, à cet égard, il explique avoir ensuite été couvert de cadeaux, de produits de luxe et d’invitations à déjeuner par Piracón, et que ce dernier a essayé de le convaincre de retirer sa plainte pour revenir à la première version, celle des « Faux Positifs ».
En avril 2011, les “largesses et petits cadeaux” du procureur semblent commencer à avoir des effets. Guitérrez revient sur ses propos tenus vis-à-vis de Piracón, et, s’agissant de ses accusations au sujet des Faux Positifs, il se rétracte de sa rétractation. Autrement dit, le caporal affirme désormais que sa première déclaration était la bonne, que les commandants de l’armée sont des assassins et que le procureur des droits humains, Piracón, est un véritable ange. Grâce à cette « rétractation de rétractation », le parquet lance une série de procès contre plusieurs militaires, tandis que Gutiérrez devient le témoin vedette du procureur Piracón.
En échange d’avoir « rétracté sa rétractation », le caporal Gutiérrez se voit offrir des faveurs irrégulières. Entre autres bénéfices, celui de connexité : Gutiérrez ne sera plus mis en examen ni condamné pour tous les délits qu’il a avoués, ces derniers ayant été regroupés par le procureur Piracón sous une seule et même affaire pour laquelle Gutiérrez ne purgera pas les 80 à 120 années de prison requises (chaque affaire impliquant de 20 à 30 ans). Dix-huit morts se transforment en un seul et même délit. En y ajoutant des remises de peine et autres combines légales, cela signifie que Gutiérrez n’aurait plus à effectuer qu’une peine s’étendant au maximum de huit à dix ans de prison.
Tout ceci s’avère pour le moins « irrégulier », même si le terme de « fraude judiciaire » serait peut-être une description plus réaliste. Encore plus « irrégulière » cependant est la façon dont le procureur Piracón a tout ms en œuvre pour aider son nouveau meilleur ami, celui-là même qui l’avait accusé de torture et qui est maintenant devenu son témoin clef contre les militaires qu’il souhaite accuser.
Lorsque le procureur n°73 Piracón octroie la connexité à l’assassin avoué, le bureau du procureur réplique en affirmant que ce n’est pas possible en vertu de l’article 90, les conditions n’ayant pas été réunies. L’affaire passe alors en révision auprès du parquet délégué au tribunal.
Tandis que la demande de révision est analysée, Piracón n’attend pas et saisit le juge pénal de circuit n°2 à Cúcuta pour les quatre affaires, sans mentionner ni le recours auprès du parquet spécialisé, ni le fait que le dossier se trouve en phase de décision. Aussi, au moment où le juge n°2 reçoit le dossier et est sur le point de prononcer un jugement anticipé (qui serait favorable à Guitérrez), il se rend compte que quelque chose de suspect est en train de se tramer. Il étudie l’affaire en détail et s’aperçoit que les éléments requis pour décréter la connexité n’ont pas été respectés. Il décide alors de mettre fin à la procédure.
Mais les choses étranges se poursuivent. Comme s’ils étaient de grands amis se trouvant du même côté de la loi, le procureur n°73 Piracón et l’avocat du criminel avoué, Hermes Yoani Tolosa, font appel de la décision tout en étant parfaitement au courant que la décision du parquet spécialisé n’était pas encore tombée. Autrement dit, il s’agissait de duper à la fois le bureau du procureur, le juge n°2 et le parquet spécialisé.
(…) À la suite de l’appel interjeté par le procureur Piracon et l’avocat du bandit, l’affaire de connexité monte jusqu’en cour supérieure, laquelle se prononce en faveur du procureur n°73 et de l’assassin avoué. Le tribunal accorde la connexité et ordonne au juge n°2 de continuer la procédure. L’honorable juge demande donc au procureur Piracón qu’il lui livre la décision du parquet spécialisé. Piracón, qui jusqu’alors n’avait permis à personne de la consulter, la remet au juge n°2, lequel se rend compte des mauvaises intentions du duo Piracón-Tolosa (le procureur et l’avocat du bandit) et reconduit l’affaire à la cour supérieure en y annexant la décision du parquet spécialisé niant la possibilité de décréter l’effet de connexité. La cour reconnait son erreur et décide qu’il est impossible d’accorder cette faveur à l’inculpé Gutiérrez.
D’autres éléments étranges viennent parsemer l’affaire. Au lieu de poursuivre le procureur Piracón pour fraude procédurale, celui-ci ayant de toute évidence essayé d’induire le juge 2 en erreur et ayant réussi son coup avec la cour supérieure, la cour suprême s’abstient et lui donne une petite réprimande, tout en évitant d’utiliser les mots de « fraude procédurale » et en affirmant que ce coup monté ne fut qu’une simple « indélicatesse » de la part du procureur en charge des droits humains, Lindon Piracón.
Aussi, les procédures sont restées prétendument séparées. Nous savons que Gutiérrez a été condamné dans le cadre de l’une de ces affaires (la 4867), mais les trois autres restent inconnues. Étrange.
Guitiérrez s’est-il vu offrir plus de repas, des cadeaux ou autres largesses en échange de ses « confessions » contre d’autres officiers ? Nous ne le savons pas. Mais il est certain qu’une autre faveur a été rendue par Piracón à Gutiérrez : celle de lui permettre de ne pas assister à l’audience de mise en accusation contre lui et de bénéficier de mesures de sécurité pour le montage contre l’avocate Lorena Leal.
Quelle est la motivation de Piracón, d’un côté pour protéger et défendre Gutiérrez, et, de l’autre, pour persécuter l’avocate Lorena Leal ? Est-il seulement question de poursuivre des militaires ? Ou cela serait-il lié à l’affaire María Claudia Castaño, cousine de Lorena et assassinée par son mari, le conseiller municipal de Cúcuta Julio César Vélez González ? Pourquoi le procureur n°73 en charge des droits humains, Lindón Piracón, a-t-’il été aperçu en train d’assister aux audiences contre le conseiller municipal Vélez ? Intérêts professionnels … ou personnels ? Nous allons le découvrir.
Continuons … Qu’est devenu le droit des victimes ? À la corbeille (…).
Ne soyons pas surpris si le procureur n°73 en charge des droits humains, Lindón Piracón, fasse son possible pour que l’assassin avoué Néstor Guillermo Gutiérrez Salazar puisse profiter des bénéfices de la JEP (note traduction : Jurisdicción Especial para la Paz, juridiction spéciale mise en place en 2015 dans le cadre des accords de sorti du conflit armé), le tribunal des FARC qui a pour objectif de condamner des militaires, journalistes, avocats et politiciens s’étant opposés aux FARC.