Pour son neuvième Noël dans une prison colombienne, Judith Brassard a reçu un cadeau sous forme d’espoir.
Deux ONG — une canadienne et une colombienne — ont récemment déposé un recours en révision devant la Cour suprême de Colombie afin d’obtenir la libération de cette Québécoise détenue pour un crime qu’elle jure ne pas avoir commis.
Le recours contient de nouvelles preuves. Celles-ci démontreraient que Mme Brassard n’a pas commandité le meurtre de son conjoint colombien, Felipe Rojas Gnecco, un orthodontiste membre d’une famille influente assassiné à la sortie de son cabinet en décembre 2006.
De la prison de Santa Marta, au nord de la Colombie, où elle est incarcérée depuis près d’une décennie, Judith Brassard garde le moral. «Elle est positive. Elle semble sereine et elle participe activement à sa défense», souligne David Bertet, président de l’organisme En Vero, qui tente de la faire libérer.
Après deux ans de recherche, M. Beret a présenté mardi à Bogota, la capitale colombienne, des preuves qui démontrent l’innocence de Judith Brassard. Parmi elles, il y a le témoignage d’une «personne qui a une connaissance directe de l’assassinat de Felipe Rojas Gnecco. Absolument directe», précise le président d’En Vero, joint par Messenger lors d’une escale au Panama, alors qu’il revenait de la Colombie.
Contexte favorable
En cette fin d’année, l’actualité colombienne pourrait aussi être favorable à la cause de Judith Brassard. L’ancien président de la Cour Suprême, Leonidas Bustos, qui a confirmé la condamnation de la Québécoise en 2013, est au centre d’un scandale de corruption.
Bustos aurait organisé un trafic d’influence au sein de la Cour Suprême et du pouvoir judiciaire. Il aurait prononcé des sentences favorables ou défavorables à ceux qui le payaient ou non. «Et nous pensons que c’est ce qui s’est passé dans le cas de Judith», dit M. Beret.
Le recours en révision devant la Cour suprême représente une nouvelle possibilité de libération à Judith Brassard, qui essuyé de nombreux revers devant les tribunaux colombiens malgré des témoignages infirmant sa culpabilité.
Une longue saga
Judith Brassard et Felipe Rojas s’étaient mariés à Québec au milieu des années 90. Ils se sont ensuite installés à Santa Marta, où ils ont eu deux enfants. Lors du meurtre, en 2006, Mme Brassard se trouvait au Canada, les époux venant tout juste de divorcer.
Le tueur, Gabriel Ramirez Polo, et son complice ont été arrêtés quelques mois plus tard. Ils ont avoué avoir été engagés par un ancien paramilitaire, John Osorio, ce dernier étant le mari de Katerine Pitre, une domestique avec qui Rojas aurait eu une relation extra-conjugale.
Les quatre ont été reconnus coupables du meurtre du mari de Judith Brassard et condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.
Convoquée par les enquêteurs en tant que témoin, Mme Brassard est retournée en Colombie. Elle a finalement été arrêtée le 27 août 2008 sur la base de nouveaux témoignages de l’ancien paramilitaire et de la domestique, qui l’ont accusé d’avoir commandité la mort de Felipe, alléguant que la Québécoise voulait mettre la main sur l’assurance-vie du défunt et avoir la garde des enfants.
Judith Brassard a été placée en détention préventive au centre pénitencier de Santa Marta. En février 2009, elle a été condamnée à 28 ans de prison. La sentence a été confirmée en appel en 2010, puis par la Cour suprême en 2013.
Osario et Pitre se sont toutefois rétractés plus tard. Mais la justice nord-colombienne a décidé de ne pas écarter leurs faux témoignages, et de les garder comme fondements de la condamnation.
Selon l’organisme En Vero, l’influente famille de Felipe Rojas a ouvertement exprimé son désir que Judith Brassard soit condamnée. Elle aurait aussi effectué d’intenses pressions pour la faire transférer dans une prison de haute sécurité située à plus de 1000 km de Santa Marta, afin d’empêcher Mme Brassard d’avoir accès à ses enfants, qu’elle voit une fois par semaine.
En prison, Judith Brassard vit dans une cellule avec quatre autres femmes. Elle « est considérée comme une prisonnière “modèle” par la direction de la prison, mais après, il y a des jalousies, et des petites mesquineries qui parfois peuvent aller loin », décrit David Beret.
La prison l’autorise à recevoir sa propre nourriture, pour éviter qu’elle soit empoisonnée par quelqu’un qui voudrait l’éliminer.
À l’approche des Fêtes ou de l’anniversaire de ses enfants, Judith Brassard se sent toujours plus triste, mentionne M. Beret. « C’est pour cela qu’on essaie de maintenir un contact le plus fréquent possible en fonction des appels qu’elle est autorisée à faire. Pour qu’elle sache qu’il y a des gens qui pensent à elle. »