Source: Ici Radio Canada
Le 24 Avril 2015
Omar Khadr, ancien prisonnier canadien de Guantanamo, doit être libéré sous caution en attendant le résultat de son appel pour sa condamnation pour crimes de guerre aux États-Unis. C’est ce qu’a décidé vendredi la juge June Ross de la Cour du Banc de la Reine en Alberta. Le gouvernement fédéral entend cependant contester cette décision devant les tribunaux.
« Bien que le demandeur a plaidé coupable à des accusations sérieuses, il devrait obtenir une remise en liberté provisoire par voie judiciaire puisque la base de son appel est solide », écrit la juge Ross dans sa décision.
La magistrate note en outre que « le risque pour la sécurité publique n’est pas suffisant pour que l’intérêt public commande qu’il soit maintenu en détention d’une manière qui pourrait rendre son appel non pertinent ».
Les conditions de la libération du jeune homme de 28 ans, actuellement incarcéré à la prison albertaine d’Innisfail, doivent être déterminées le 5 mai. Son avocat, Dennis Edney, a déjà fait savoir qu’il était prêt à l’héberger chez lui.
« Omar est chanceux d’être de retour au Canada, où nous avons de vrais tribunaux et de vrais droits. » — Nathan Whitling, un des avocats d’Omar Khadr
Le gouvernement fédéral déçu
Le ministre canadien de la Sécurité publique, Steven Blaney, a cependant annoncé peu après que le gouvernement fédéral est « déçu » de cette décision, et qu’il va la porter en appel.
« Notre gouvernement continuera de lutter contre le mouvement djihadiste international, qui a déclaré la guerre au Canada et ses alliés », écrit le ministre dans un communiqué.
« Omar Ahmed Khadr a plaidé coupable à des crimes odieux, y compris l’assassinat du sergent infirmier de l’armée américaine, Christopher Speer. Nous nous sommes vigoureusement opposés à toutes tentatives de réduction de sa peine pour ses crimes. » — Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Steven Blaney
Steven Blaney en profite aussi pour égratigner ses adversaires politiques : « Alors que Justin Trudeau a refusé d’écarter une indemnité spéciale pour ce terroriste condamné et que le NPD tente activement de forcer les contribuables canadiens à le dédommager, nous croyons que les victimes d’actes criminels, pas leurs auteurs, sont ceux qui méritent une compensation. »
Selon les avocats d’Omar Khadr, le gouvernement devra présenter une demande officielle de révision pour que leur client demeure en prison.
Lors de l’audience, les procureurs du gouvernement plaidaient que la Cour du Banc de la Reine n’avait pas la compétence requise pour se pencher sur cette affaire. Ils soutenaient en outre qu’une remise en liberté minerait la réputation du gouvernement sur la scène internationale.
La peine d’Omar Khadr doit se terminer en 2018. Il était cependant admissible à une libération d’office dès octobre 2016, alors qu’il aura purgé les deux tiers de sa peine.
Une peine controversée
Omar Khadr a été condamné à huit ans de prison par une commission militaire américaine, en 2010, après avoir plaidé coupable à des accusations de crimes de guerre, de complot, de soutien matériel au terrorisme, d’espionnage et de meurtre. Il était alors incarcéré depuis huit ans à la prison de Guantanamo.
Le processus a été vivement critiqué par des organisations de défense des droits de l’homme, parce qu’il a longtemps été détenu sans avoir été accusé, et qu’il était mineur au moment des faits reprochés et de son incarcération.
Omar Khadr a toujours clamé son innocence et a d’ailleurs fait savoir qu’il avait plaidé coupable aux chefs d’accusation portés contre lui pour pouvoir sortir de la prison de Guantanamo.
Né dans la région de Toronto, Omar Khadr a été rapatrié au Canada en septembre 2012. Il a été incarcéré pendant quelque mois dans une prison de Millhaven, près de Kingston, avant d’être transféré en mai 2013 dans une prison à sécurité maximale d’Edmonton.
Depuis février 2014, il purge sa peine à la prison à sécurité moyenne d’Innisfail.
Au terme de l’audience sur sa remise en liberté devant la juge Ross, Me Whitling avait déclaré qu’il s’agissait du premier cas au monde où un détenu demandait une libération conditionnelle en attendant son appel, après avoir été extradé.