Source : Proceso
Auteure : Jesusa Cervantes
Le 10 juillet 2017 ((Publication originale en Espagnol le 20 avril 2017)
Traduction: Emmanuelle Gauthier-Lamer, Révision: Sandrine Blanvilin
La Chambre des députés a approuvé, à l’unanimité, la Loi générale pour enquêter sur l’utilisation de la torture et autres traitements ou peines cruelles, inhumaines ou dégradantes, et les sanctionner, pour interdire cette pratique. En outre, grâce à cette nouvelle norme juridique, toutes preuves obtenues par une confession sous la torture, seront invalidées, et la confession fera l’objet de poursuites judiciaires. De plus, le fonctionnaire accusé de cette pratique sera, entre autres, suspendu de ses fonctions. Après que le Conseil des droits de l’homme a approuvé le projet du sénat en décembre, sans y inclure les remarques du Haut-Commissariat de l’Organisation des Nations Unies pour les droits de l’homme (ONU-DH), la décision a été suspendue et les députés ont dû, à nouveau, en discuter.
Cette fois-ci, 417 députés ont voté à l’unanimité en faveur de la motion. La nouvelle loi sanctionne d’une peine de 10 à 20 ans de prison les serviteurs de l’ordre public qui infligent la torture, qu’elle soit de nature physique, psychologique, ou sexuelle; et punit de 6 à 12 ans les citoyens qui font subir cette pratique. Lorsque les victimes sont des personnes vulnérables, la peine est augmentée de moitié. Les personnes tombant dans cette catégorie sont les enfants, les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite, les autochtones, les descendants afro-américains, les migrants, les militants pour les droits de l’homme et les journalistes. Concernant les avis médicaux, il est également prévu que, lorsqu’il y a eu acte de torture, l’examen médical soit effectué par un gynécologue du même sexe que la victime, choisi par cette dernière. La nouvelle loi oblige l’État à créer des unités spécialisées du parquet dans tout le pays, ainsi qu’un Registre national des statistiques. Qui plus est, par cette loi, la torture devient un crime “imprescriptible”.
Lors de la discussion, le parti politique Encuentro Social a exprimé sa position par la voix de la députée Refugio Trinidad Garzón Canchola, laquelle a déclaré que la torture annihile la personnalité de la victime, et que toute personne a le droit d’être protégée afin que lui soit évité un quelconque traitement inhumain ou dégradant.
Karina Sánchez Ruiz, du parti politique Panal, a souligné que la nouvelle loi ne re-victimise pas et qu’elle aborde la question de l’égalité des sexes. Víctor Manuel Sánchez Orozco, député du Movimiento Ciudadano (MC), l’a qualifiée “d’avancée historique”, bien qu’il ait également rappelé qu’auparavant, 99% des cas d’impunité n’étaient pas résolus, et à fortiori, les cas de torture. Il a également reconnu que tous les partis de la Chambre des députés avaient accepté d’inclure les remarques du Haut-Commissariat de l’ONU, “sans lequel tout cela ne serait qu’un jeu de simulacres”, a-t-il déclaré. Il a expliqué que, selon la nouvelle loi, lorsqu’il est question d’un crime de torture, la peine est de 10 à 20 ans, mais dans le cas de traitements inhumains, la peine est de 3 à 5 ans. De la même manière, il a reconnu que les individus des classes supérieures sont également visés, et qu’on accusait toujours ceux des classes inférieures. Il a également souligné que des mesures de précaution sont mises en place pour que les hauts fonctionnaires ne participent pas à l’enquête.
Ernestina Godoy, du parti politique Morena, a soutenu dans son intervention que la torture se produit au sein des trois paliers du gouvernement, dans la police municipale, dans les ministères, au fédéral, dans le secteur militaire, dans la Marine, les criminels comme les cas demeurent toujours dans l’impunité. ” La torture est bien ancrée dans le pays et ses institutions”. Godoy a rappelé l’affaire Atenco sous la gouvernance d’Enrique Peña Nieto dans l’État de Mexico, où plusieurs femmes détenues furent violées par des membres de la police locale. Selon elle, cette nouvelle loi améliorera considérablement la législation. Elle a également souligné que les observations faites par le rapporteur de l’ONU ont été incluses. Un aspect important de la loi, a-t-elle ajouté, est qu’elle met un terme à l’idée selon laquelle la torture aide à résoudre un crime; en plus d’éradiquer la violence sexuelle, on garantit la réparation des dommages et on donne une protection. Mais rien dans la loi ne sera utile, a-t-elle mis en garde, si l’impunité persiste.
Lía Limón, députée du PVEM et ancienne directrice pour la gouvernance des Droits de l’Homme dans la première formation du gouvernement de Peña Nieto, a souligné que sont inclus dans la loi le Protocole d’Istanbul et d’autres lois internationales. Désormais ce qu’il faut faire, a-t-elle ajouté, c’est vérifier sa mise en œuvre. La députée du PRD, Cristina Gaytán, a rappelé qu’au Mexique, pendant plusieurs années, c’est le représentant public qui ordonnait la torture. Elle a souligné qu’il n’y aurait pas de grâce, puisque le crime de torture est classé comme imprescriptible. Un autre succès, a-t-elle renchéri, c’est que les investigations sont maintenues sous la juridiction civile et non militaire.
Le parti du PAN, par le biais de la députée Emma Margarita Alemán Olvera, a dit que cette loi met un terme à une longue attente pour le pays : l’interdiction de la torture. Pendant des années, a-t-elle ajouté, le système pénal mexicain a accepté la “confession” comme preuve, ce qui engendrait un contexte dans lequel les droits de l’homme étaient bafoués, avec l’utilisation entre autres de la torture, et donnait lieu à des pseudos enquêtes. Désormais, a-t-elle dit, avec cette loi il sera obligatoire de faire des recherches. Elle a ensuite raconté sa visite au pénitencier de Morelos. Là-bas, a-t-elle détaillé, on voit des cas comme ceux de trois femmes âgés de 25, 19 et 49 ans, qui ont été détenues et torturées sexuellement, et dont on a menacé les enfants. “La torture ne devrait pas être un outil permettant de condamner quelqu’un, cette loi est un appel à la vigilance pour les policiers”.
Le représentant de PRI, le député Carlos Mercado, a averti que la torture est une atteinte à l’humanité. Il a donné des informations sur des cas restés impunis. À la PGR, a-t-il noté, des 2420 plaintes pour torture, seulement 15 d’entre elles se sont soldées par une condamnation, par conséquent, il considère cette nouvelle loi comme une grande avancée.
Après avoir modifié le projet de loi remis au Sénat, cette loi a été renvoyée devant cette même instance pour approbation et ultérieurement, sa promulgation. Les sénateurs disposent de la séance de ce jeudi 20 et de deux autres la semaine suivante, pour adopter la loi contre la torture.