Droits humains au Mexique (9 fév. 2020)

Source: Contralínea
Auteure: Nancy Flores
Le 9 février 2020 (Publication originale en Espagnol le 8 novembre 2017)
Traduction: Chloé Nicolin

 

Au Mexique, la corruption nuit gravement aux droits de l’Homme

Au Mexique, l’un des pays les plus corrompus au monde, on retrouve quatre scénarios différents dans lesquels la corruption porte gravement atteinte aux droits de l’Homme. La corruption des autorités par des particuliers est bien connue, à tel point qu’il faut montrer les dents pour effectuer la moindre formalité administrative pour qu’ils fassent ou ne fassent pas leur travail, le cas échéant.

En conséquence, la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) signale que la corruption est mauvaise non seulement en elle-même, mais également parce qu’elle entraîne ce genre d’infraction. Il en résulte que l’attribution d’un pot-de-vin devient conditionnelle pour faire valoir à ses droits (par exemple, à la justice, à la santé, à l’éducation, au logement, etc) ; il s’agit du premier scénario défini où l’on retrouve ce fléau qui débouche sur de graves violations.  

Dans son rapport “Les droits de l’Homme et la corruption au Mexique”, la CNDH identifie les types de corruptions qui permettent d’effectuer des actions illégales et portant ouvertement atteinte aux droits, comme dans le second scénario. Elle indique comme exemple un particulier qui « achète » un inspecteur des conditions de travail ou quelqu’un qui réalise une étude d’impact sur la construction d’une infrastructure. 

Ici, impossible d’oublier les bâtiments qui se sont effondrés dans la ville de Mexico à cause du séisme du 19 septembre dernier à cause du manque de rigueur dans la supervision gouvernementale, voire son absence, ce qui a mené à l’utilisation de matériaux de mauvaise qualité, et à l’omission d’éléments indispensables pour soutenir la structure; ou par l’expédition d’autorisations non-officielles pour construire plus d’étages que ce qui était normalement autorisé dans certaines zones plus vulnérables à ce type de catastrophe. 

La liste établie par la CNDH place en troisième position les actes de corruption qui mènent à une diminution des ressources et des biens publics, et qui génèrent donc des services de mauvaise qualité qui transgressent ouvertement les obligations de protection, de garantie et d’accès à tous les droits, ainsi que celles de progressivité, d’interdiction de régression et d’utilisation maximale des ressources disponibles. 

D’après le rapport, cette baisse des ressources publiques peut être due à des détournements ou des malversations de fonds, ou à la corruption qui permet d’ajuster des contrats d’achat de biens ou de services publics. Et c’est qui génère des surcoûts ou des charges dans la qualité des processus d’acquisition. 

Cette étude, qui a été confiée à l’Université Nationale Autonome du Mexique par la CNDH, a observé que le quatrième cas dans lequel la corruption et la violation des droits de l’Homme sont liés, c’est quand l’État s’en mêle.  

“Ce qui fonctionne dans ces cas-là, c’est la falsification du processus de décision en matière de politiques publiques, ce qui entraîne la privatisation du secteur public, et ainsi le non-respect des obligations de l’État en ce qui concerne les droits de l’Homme”.

Parmi ces quatre scénarios qui entraînent ce type de dérives, ce dernier est peut-être le plus grave, car il implique les plus hautes sphères du pouvoir, là où non seulement il y a le plus de ressources en jeu, mais également là où se prennent les décisions les plus importantes sur la direction du pays.  

Ce qui ressort de cette étude c’est que, dans les quatre scénarios,  le droit à la santé est l’un des plus touchés, suivi du droit à l’éducation. Par exemple, dans le premier cas, la corruption peut affecter l’espérance de vie à la naissance : “Plus il y a de corruption, plus cela restreint l’accès à la santé de la population, causant ainsi une plus grande mortalité infantile et une espérance de vie à la naissance plus basse”.

Et sans aucun doute, le pire type de corruption est justement celui qui détruit la vie, car il met en danger la stabilité du pays. En plus des conséquences fatales des séismes de septembre dernier – où 8 décès sur 10 suite à l’écroulement d’un bâtiment ont été causés par la corruption – on peut déplorer bien d’autres conséquences, comme ce qui s’est passé avec les nids-de-poule sur l’autoroute Paso Express de Cuernavaca, où 2 personnes sont décédées à cause de la corruption des entreprises de construction, du gouvernement fédéral et de l’État de Morelos. 

 

L’impunité, l’autre problème

L’organisation “Transparence Internationale” définit la grande corruption comme l’abus de pouvoir dans les hautes sphères, bénéficiant à un petit groupe au détriment du plus grand nombre, et entraînant des préjudices graves et généralisés aux personnes et à la société; et ce, la plupart du temps, en toute impunité.

Et ce qui règne dans notre pays c’est précisément une crise généralisée de violation des droits de l’Homme, à laquelle s’ajoute un cadre structurel de corruption et d’impunité, avertit l’étude “Les droits de l’Homme et la corruption au Mexique” : “Pis encore, ce cadre structurel se maintient grâce à des réseaux criminels qui fonctionnent de manière de plus en plus complexe”.

Cette crise a pris ses racines dans un processus politique basé sur le clientélisme, la négociation, la simulation, la corruption et l’impunité. Ces aspects démontrent “non seulement un manque de volonté politique pour la combattre, mais aussi une volonté apparente de la maintenir”. 

Dans sa conclusion, l’analyse indique qu’il n’existe pas “une” corruption, mais plutôt plusieurs expressions distinctes et liées entre elles; c’est pourquoi on a généralement tendance à les regrouper sous cette même dénomination. Le rapport insiste sur l’importance de se concentrer en priorité sur ce type de corruption que la Banque Mondiale a dénommé la “capture d’État”, également qualifiéé comme “corruption politique”. Selon l’ONU, il s’agit là de la forme de corruption commise par les hauts dirigeants. Le rapport fait cependant observer qu’elle est aussi la plus difficile à éradiquer car elle est « entremêlée dans les plus hautes structures du pouvoir politique et économique et elle sert à “huiler” les rouages du système”.

Le rapport nous prévient que si rien n’est fait pour combattre la corruption, les mécanismes “de violation des droits de l’Homme qui proviennent de la corruption demeureront intacts”, car ceux-ci relèvent d’un “modèle systématique et structurel”.

Jusqu’à aujourd’hui*, le combat pour l’éradication de la corruption ne semble pas faire partie des priorités du gouvernement, justement parce que le Mexique est un état qui vit sous son emprise. En conséquence, le système anti-corruption mis en place par ces structures elles-mêmes corrompues ne servira à rien, mais ce sera là le sujet d’un prochain article.

* Rappelons que la date de la publication de l’article en version originale en espagnol est le 8 novembre 2017, sous la présidence d’Enrique Peña Nieto (P.R.I.)