Source: ACDV EDIT
Auteur: David Bertet
Le 4 février 2016 (publication originale le 27 janvier 2016)
Traduction : Rodrigo Mendoza
Avec le soutien de l’ACDV, le citoyen mexicain et licencié en droit Pablo Solórzano Castro, injustement accusé dans l’Affaire Martí dans la cause pénale 83/2011, a assuré lui-même sa défense depuis qu’il fut enlevé par des individus appartenant à la police fédérale le 12 mai 2011.
Avant de rendre son verdict, la juge en charge du dossier, Maître Nadia Villanueva Vázquez, avait préalablement préparé deux scénarios opposés : un verdict d’absolution pour Pablo Solorzano Castro, lequel allait dans de sens de l'”amicus curiae” rédigé par l’ACDV; un autre condamnatoire. Le 30 septembre 2015 la juge a opté pour une sentence de culpabilité, infligeant à un innocent 452 années, 8 mois et 25 jours de prison, malgré des évidences indéniables selon lesquelles le prévenu fut victime de sujets de la police fédérale clairement identifiés dans l’amicus curiae de l’ACDV, et qui ont fabriqué la culpabilité de Pablo Solórzano.
Dans une lettre en date du 26 octobre 2015 et adressée à Alejandro Marti, père d’une des victimes pour l’enlèvement duquel Pablo Solórzano a été condamné, ce dernier a une nouvelle fois réitéré son innocence.
Noe Robles Hernández, autre accusé dans le même dossier, et que l’ACDV considère également comme coupable fabriqué et victime, a écrit une lettre à Pablo Solórzano datant du 24 octobre 2015. Dans cette lettre, M. Robles, qui à l’instar de Pablo a été torturé par la police fédérale, et menacé à de nombreuses reprises, afin qu’il désigne comme ses complices des personnes qui lui étaient totalement inconnues, présentait ses excuses à Pablo pour l’avoir faussement désigné comme son complice.
Voici la traduction de ladite lettre :
“À l’attention de: Pablo Solórzano Castro
De: Noé Robles HernándezAvant tout et avec respect, je t’écris cette lettre complètement honteux à ton égard. Je souhaite du plus profond de mon cœur que tu sois en bonne santé, physique et mentale. En le vivant dans ma propre chair, je sais combien il est difficile de vivre jour à jour dans cette lutte, non seulement harassante pour nous mais aussi pour nos familles. En toute vérité, Pablo, je me sens honteux et je regrette d’avoir été saisi par la peur que les autorités qui me menaçaient de causer du tort à ma famille pourraient passer à l’acte. Par des commentaires d’autres détenus j’ai su que tu as reçu une sentence injuste, exagérée et absurde et malgré mes affirmations répétées, aussi bien auprès des tribunaux que depuis mon lieu de réclusion, les autorités fédérales ont manipulé l’information à leur convenance, dans le but de faire croire aussi bien à l’opinion publique qu’aux tribunaux que nous sommes coupables des délits fabriqués de toutes pièces par eux. Cependant, la sentence contre toi démontre que ce n’était pas assez. Je déplore de ne pas avoir eu suffisamment de courage le 10 et le 11 septembre de 2010 pour me refuser à continuer à me prêter à leur sale jeu. Quand ces jours-là les policiers fédéraux se sont présentés avec le procureur du parquet Jose Manuel Rojas Cruz – que tu connais sûrement assez bien et tu sais ce qu’ils sont capables de faire pour atteindre leurs objectifs – je n’ai pu me soustraire à te signaler faussement. Je te le dis en toute vérité, j’ai eu peur et je continue d’avoir peur, qu’ils mettent à exécution leurs menaces proférées contre ma famille, dont la plupart sont des femmes. Je suis certain que tu comprends. Quand ils m’ont montré ta photo je leur ai dit clairement que je ne te connaissais pas, mais je répète, j’avais peur, pas seulement en raison de l’arrivée de ces visiteurs, mais aussi des volées des coups, de la torture et des menaces que j’ai dû supporter depuis ma détention, outre la présence de la police fédérale qui surveillaient ma maison familiale, j’en étais accablé et c’est ainsi qu’ils ont pu m’obliger à te pointer sur ta photographie. J’ai la certitude que tu as subi de pareilles souffrances, de même que tous ces gens innocents – qu’on m’a obligé à impliquer – et qui traversent le même calvaire que toi et moi. Quand tu es arrivé à CEFERESO et que je t’ai connu, j’ai compris tout le mal que j’avais fait, mais j’étais sous de telles pressions… Je le répète, je suis convaincu de ce que tu me comprends, en ayant toi-même eu à endurer les mauvais traitements de Jose Manuel Rojas Cruz, je suis certain que tu sais très bien comment cet homme agit, et pas seulement lui mais tous ceux qui s’adonnent à la fabrication de cette histoire, aussi bien ceux qui sont maintenant ex-policiers fédéraux que Luis Cardenas Palomino et tout le parquet, c’est certain que tu as souffert autant que moi pour les méfaits de ces personnes. C’est à cause de cela que j’ose t’écrire ces lignes et même si je suis certain que mille excuses ne peuvent pas remédier au mal que je t’ai fait, je suis convaincu que tu dois – et nous devons – continuer à nous battre pour regagner notre liberté, que tôt ou tard nous réussirons à faire reconnaître notre innocence, et que nous ne sommes pas coupables de ces atroces délits qu’il nous ont mis sur le dos. (Je suis convaincu aussi) que tous ceux qui m’ont obligé à impliquer autant d’innocents et à m’incriminer moi-même, devront payer, pas seulement devant la justice des hommes mais aussi bien face à celle de Dieu. Courage, Pablo, n’abandonne pas, nous sommes innocents et nous allons le prouver. Je te demande pardon à toi et à ta famille pour les dommages que vous avez soufferts, je te demande pardon pour t’avoir désigné faussement ce jour-là. C’est tellement difficile de comprendre comment il se peut qu’à partir d’une seule photo et de déclarations provenant des autorités elles-mêmes, et sans ne disposer de rien d’autre, sans même une seule preuve autre que des papiers et des faux témoignages sans fondements, ils veuillent que nous passions toute notre vie en prison. Ils se sont trompés à plusieurs reprises en considérant des gens innocents comme coupables… Je suis sûr que le jour arrivera où nous retrouverons notre liberté. Pour l’instant, continue vers l’avant, continue à lutter. Merci de prêter attention à ces lignes, je te souhaite très sincèrement que tout se passe pour le mieux dans cette lutte. Je te dis au revoir et bien que sans attendre de réponse, tu sais que je ferai pour toi tout ce qui m’est possible. Je te supplie à nouveau de me pardonner. Que Dieu te bénisse.”
Signé : Noé Robles Hernández.
Pablo Solórzano Castro a déposé un recours de protection (« amparo ») le 28 septembre de 2015 afin d’éviter son transfert de pénitencier, le transfert fut effectué le 16 novembre vers le centre carcéral CEFERESO CPS 13 Oaxaca. Depuis le jour de son admission à ce nouveau centre et jusqu’en date aujourd’hui, les autorités pénitentiaires n’ont toujours pas remis à Pablo Solórzano la copie de son dossier juridique dont il avait pourtant besoin pour interjeter l’appel, occasionnant par le fait même une vulnération de sa capacité à se défendre, situation pour le moins inadmissible dans le cadre d’un État de droit comme l’est le Mexique.
Outre l’appui de l’ACDV, Pablo Solórzano Castro et sa famille comptent à l’heure actuelle sur l’appui de la Ligue Mexicaine pour la Défense des Droits Humains (LIMEDDH), sous la présidence d’Adrián Ramírez, organisation avec laquelle l’ACDV travaille de concert dans ce dossier ainsi que dans d’autres cas de coupable fabriqués.