Affaire Wallace – Jael Malagón Uscanga (25 déc. 2019)

Source: En Vero Espagnol
Auteur: Jael Malagón Uscanga
L:e 25 décembre 2019 (Publication originale en espagnol le 13 septembre 2019)
Traduction: Chloé Nicolin

 

Lettre de Jael Malagón Uscanga aux médias

Nous partageons sur notre site la lettre que Jael Malagón Uscanga a écrite depuis le Centre pénitencier n°11 d’Hermosillo, dans l’état de Sonora, centre décrit comme un véritable camp de concentration pour prisonniers politiques dans une interview donnée par Gerardo Fernández Noroña, et que le prisonnier adresse à l’opinion publique, et en particulier aux médias qui ont toujours pris le parti de Isabel Miranda Torres, alias Mme Wallace, aujourd’hui accusée d’avoir piégé des innocents et inventé l’enlèvement de son fils Hugo Alberto. 

Avec la permission de la mère de Jael, nous avons apporté quelques corrections orthographiques et stylistiques mineures, et nous tenons à signaler que Jael a écrit cette lettre malgré son handicap visuel.

Août 2019

Honorables médias de communication,

Les interrogatoires menés par Mme Isabel Miranda de Wallace au sujet de la supposée disparition de son fils Hugo Alberto Wallace n’ont pas été équitables. Nous, les accusés, n’avons pas eu droit de réponse, ni le droit de nous défendre publiquement contre ces accusations diffamatoires, ce qui a conduit à une stigmatisation des accusés. Il serait impossible de tout décrire dans un rapport; mais la violation du droit à un procès équitable est évidente et il n’est pas nécessaire d’être expert en matière juridique pour s’en rendre compte. 

Permettez-moi de vous décrire trois points de violation lors de mon procès. Les dommages sont irréparables, et la peine encourue pour le crime dont nous sommes accusés est la prison à perpétuité. Pour ce faire [c’est-à-dire, pour condamner un accusé] il faut démontrer la pleine certitude de [sa] culpabilité. Dans ce cas-ci, mes co-accusés et moi-même nous devrions être déclarés innocents, puisqu’il n’y a pas eu de flagrant délit, ni de preuve irréfutable que le crime [en question] a été commis. Il n’y a que des doutes, que des incriminations sans aucun fondement de la part du Ministère public.

1.- Lynchage public. En 2006, des photos ont été placardées sur des panneaux de publicité appartenant à Mme Wallace, sur l’avenue Reforma, sur l’avenue Cuauhtémoc, Viaducto…qui font partie des avenues les plus importantes. Ces affiches incitaient les citoyens à nous dénoncer en ayant bien en mémoire notre physionomie, pour qu’il n’y ait aucune erreur possible. Ce lynchage à la “Far West” était tout sauf légal; les autorités étaient au courant, mais ont tout de même fermé les yeux sur cette violation à la présomption d’innocence commise par Mme Wallace. La bonne manière de procéder aurait été de montrer [aux dénonciateurs] plusieurs photographies de personnes pouvant correspondre au signalement des suspects, pour que cette dénonciation mène à quelque part, mais on n’a jamais [procédé ainsi]. Cela revient à dire : “Regardez-le. Ne vous trompez pas et dénoncez-le.” L’avocat de chacun des accusés aurait même dû être présent lors de [ces] identification[s].

Le but [de ce lynchage initié par les panneaux publicitaires] était que la version fantaisiste de Mme Wallace ne soit pas isolée, et qu’elle soit appuyée par d’autres témoignages dénonciateurs. [Et pourtant, même] avec toute la publicité qu’a faite Mme Wallace, [et même si] tout laissait à penser qu’une multitude de gens nous dénonceraient, [cela] n’a pas été le cas.

2.- Détention illégale et comparution retardée devant le Procureur général. Je, soussigné Jael Antonio Malagon Uscanga, déclare avoir été arrêté le 28 décembre 2006, sur l’avenue Masarik dans le quartier Polanco, aux environs de 11 heures du matin, et avoir été présenté devant la division chargée d’enquête sur le crime organisé du Procureur Général adjoint vers 11 heures du soir. Il va sans dire qu’il ne faut pas 12 heures pour se rendre du quartier Polanco jusqu’au bureau du Procureur situé sur l’avenue Reforma; 45 minutes tout au plus, s’il y a de la circulation. [Alors] que s’est-il passé entre temps ? Les policiers qui ont procédé à mon arrestation sont entrés en contact avec Mme Wallace. Pendant tout ce temps, nous sommes restés sur les lieux de mon arrestation, jusqu’à l’arrivée d’Isabel Miranda en compagnie de toute une escorte pour distribuer ses fameuses récompenses. 

[Une fois rendue sur les lieux,] Mme Wallace m’a demandé où était Jacobo Tagle, et je lui ai répondu que je ne le savais pas. À ce moment-là, on m’a accusé de trafiquer de la drogue, des méthamphétamines et de la marijuana, et comme il n’y avait pas de mandat d’arrêt contre moi, ils ont semé de la drogue [dans mon véhicule] pour m’incriminer et me faire enfermer pendant 90 jours. Pendant mon incarcération, je suis passé à la chambre de Gesell, une pièce [où les suspects défilent sous les yeux de leurs présumées victimes pour que celles-ci les identifient]. [Et] là, comme sur les panneaux publicitaire, je suis entré tout seul dans la pièce. Si tout avait été fait de manière légale, cela se serait passé comme on le voit dans les films : 3 ou 4 personnes qui présentent entre elles une certaine ressemblance sont alignées, pour que la victime puisse identifier formellement le coupable sans crainte de se tromper. Mais dans mon cas, cela ne s’est pas passé comme ça.

Non contente d’avoir généré des signalements indus contre ma personne entre autres atteintes graves, Wallace a menti au juge, puisqu’elle lui a dit qu’elle n’était pas là au moment de mon arrestation, et qu’elle était même à l’étranger. Des mensonges à répétition, à l’endroit même où se trouvaient des journalistes, des médias, des civils et les autorités. Wallace a pu mentir au tribunal sans souffrir la moindre conséquence. Si la police m’avait envoyé en comparution immédiate sans délai comme le veut la loi, ils me n’auraient pas incriminé en semant de la drogue, ce pour quoi j’ai déjà reçu 11 ans de prison. Il s’agit d’une détention illégale et un manquement à l’obligation de comparution immédiate devant le Procureur général.  

3.- La torture. – Dans chaque dossiers des accusés de Wallace, on retrouve la torture : de la violence, des viols, des menaces, et sans exagération, des traitements parfois dignes de ceux réservés aux prisonniers de guerre. Juana Hilda González Lomelí fut la première à se faire arrêter. Alors qu’elle se faisait torturer et violer dans une camionnette de l’Agence Fédérale d’Investigation, celle-ci est entrée en collision avec un autre véhicule. Un agent a perdu la vie, et Juana Hilda a souffert de multiples lésions, en plus des menaces de mort envers ses proches. La petite amie, la sœur, la mère, et l’avocate de César Freyre Morales ont toutes été emprisonnées à la demande de Mme Wallace. Étant déjà en prison, je peux témoigner que la seule civile à être entrée dans la prison de l’Altiplano pour torturer et menacer Freyre était Isabel Miranda de Wallace. L’arrivée de Mme Wallace a été capturée par les caméras de surveillance. Ils ont fait sortir César de la prison en hélicoptère et l’ont attaché par les pieds. Tout ceci a été dénoncé sur le moment, mais en voyant que cela ne menait à rien, et que Mme Wallace continuait d’user de son pouvoir et de son influence, Freyre a signé des documents mensongers pour se protéger [lui et] sa famille. Tony et Alberto Castillo Cruz ont été arrêtés après s’être présentés de manière volontaire pour témoigner*. Parce qu’ils recevaient des menaces de mort, ils ont dû demander à être enfermés dans des unités de sécurité maximale. 

*Rectification En Vero : C’est en fait Tony Castillo Cruz qui s’est présenté de son plein gré pour témoigner, quelques jours après que son frère Albert Castillo Cruz fut privé de sa liberté par Miranda Torres et son frère Robert le mars 2006.

Brenda Quevedo Cruz a été soumise à des violences sexuelles et physiques pour l’obliger à s’inculper, dans l’enceinte même de la prison de Santiaguito par un employé complice de Wallace, ce qui lui a provoqué de graves lésions au niveau des parties génitales. Un groupe d’experts spécialisés a pu démontrer au moyen du protocole d’Istanbul que Jacobo Tagle Dobin a [lui aussi] victime de torture : il a reçu des chocs électriques au niveau des testicules. Désormais, sa prostate est détruite à cause des violences qui lui ont été infligées pour le forcer à s’inculper et à avouer où se trouvait Hugo Wallace. Son petit frère fut envoyé au tribunal de tutelle, et sa mère s’est fait saisir son logement ; il convient de signaler que Hugo Alberto Wallace était copropriétaire d’un terrain situé dans ce même logement. 

Je déclare [aussi] avoir été témoin de l’arrestation de mon ex-femme, privant ainsi mon fils, alors âgé de 4 ans, de sa mère, et c’est ce qui fut [pour moi] la pire torture psychologique. Mme Wallace a menacé ma mère en salle d’audience, en lui disant de ne pas s’en mêler, que le problème n’était pas contre moi. Sans que je m’y attende, Wallace m’a fait appeler; elle m’a demandé de témoigner contre Freyre, et qu’en échange, elle m’aiderait à obtenir ma libération. Elle m’a interrogé sur ma toilette personnelle et m’a demandé comment je faisais pour me garder aussi propres. À la suite de quoi, on est venu me photographier et me filmer dans ma cellule pour vérifier dans quelles conditions je vivais, afin de s’assurer que je ne bénéficiais d’aucun privilège. Peu après, je me suis fait agresser par des détenus, qui m’ont frappé dans le dos sans raison, et qui ont tenté de me faire perdre la vue, ce qui a provoqué chez moi un décollement de la rétine et de multiples lésions. Lorsqu’ils ont été interrogés sur les motifs de leur agression [contre moi], ils ont répondu qu’il s’agissait d’une histoire d’argent. Nous savons que des détenus et des personnes en charges sont en contact avec Mme Wallace, qu’ils sont à ses ordres pour nous faire du mal, et que le danger d’une agression est bel et bien présent.  

Il y a des preuves et des traces écrites de ces trois éléments d’infraction graves et de tout ce que j’ai mentionné. J’ai essayé d’expliquer ce qui se passe après avoir subi de genre de torture. [Dans de telles conditions,] on a vu de grands barons de la drogue et des criminels avouer leurs [pires] crimes. [Or,] si Hugo Alberto Wallace n’a pas réapparu à ce jour, si on ne retrouve pas la moindre petite trace [de son corps,] la raison en est que [ceux qui ont été]  accusés [de son enlèvement et de son assassinat] ne sont pas ses ravisseurs. Il suffirait de faire un rapport d’experts pour vérifier que la version de Mme Wallace ne correspond pas à la réalité. Si à un moment donné les accusés ont validé cette fausse version des faits, c’est par crainte de se faire torturer et menacer, ce qui est [pour nous], comme je l’ai signalé dès le début de ma lettre, un risque [à la fois réel et] constant. 

Il est important de noter que je ne suis pas cité dans le procès de la disparition de Hugo Alberto Wallace, mais cela n’a pas empêché Mme Wallace de m’incriminer, puisqu’elle est amie avec [m] es accusateurs. 

C’est le Procureur Braulio Robles, [ce] faussaire notoire, connu pour avoir voulu devenir Procureur anticorruption de la nation alors qu’il avait falsifié son CV. [C’est lui qui], sous les ordres de Mme Wallace, a monté mon dossier. En voyant que les panneaux publicitaire n’ont amené aucun signalement [contre moi], il s’est servi de mes photos comme d’une propagande, et grâce à ses contacts avec des victimes, il a réussi un obtenir un signalement basé sur ma photo. Cependant, l’homme qui a fait ce signalement basé sur ma photo a également signalé différentes personnes en pensant qu’il s’agissait de moi.

Lorsqu’il s’est trouvé en face de moi, [mon accusateur] n’a pas été capable de m’identifier formellement. On l’a poussé à faire un faux témoignage. À l’heure actuelle, Mme Wallace continue de parler de moi et de me diffamer publiquement. Elle dit que je suis récidiviste, que l’on m’a tiré dessus en riposte à Los Cabos. Il semble qu’elle essaie de justifier tout le mal qu’elle m’a fait en diffamant mon passé. Si j’ai eu, il est vrai, des problèmes légaux par le passé, ou si on avait attenté à ma vie, ce n’est [certainement] pas une raison pour m’attribuer des crimes que je n’ai pas commis, ni pour cacher de la drogue dans mes affaires. 

Jael Antonio Malagón Uscanga