Affaire Judith Brassard (14 octobre 2014)

Source : En Vero Français
Auteure : Marion Laurençon
Le 14 Octobre 2014

 

Résumé

Judith Brassard, ressortissante canadienne, est actuellement incarcérée en Colombie. Elle est accusée d’avoir commandité l’assassinat de son ex-époux, Felipe Rojas Gnecco. Judith et Felipe se sont mariés en 1994 à Québec, puis se sont installés à Santa Marta en Colombie. Deux enfants sont nés de leur union, Mariana et Felipe David.

Felipe, orthodontiste et membre d’une influente famille de Santa Marta, a été tué le 4 décembre 2006 en sortant de son cabinet, alors que Judith se trouvait au Canada. Le tueur, Gabriel Ramirez Polo, et son complice ont été arrêtés quelques mois plus tard. Ils ont avoué avoir été engagés par un ancien paramilitaire, John Osorio, ce dernier se trouvant être le mari de Katerine Pire, la domestique au service de Judith Brassard. Gabriel et son complice, ainsi que John et Katerine ont tous les quatre été reconnus coupables du meurtre de Felipe et condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement. Restait à retrouver le commanditaire ou auteur intellectuel de l’assassinat de Felipe Rojas Gnecco.

D’abord convoquée par les enquêteurs en tant que témoin, Judith retourne en Colombie et est finalement arrêtée le 27 août 2008 sur la base de nouveaux témoignages de John Osorio et Katerine Pitre, qui l’accusent d’avoir commandité la mort de Felipe. Judith Brassard est placée en détention préventive au centre pénitencier de Santa Marta. En février 2009, les juges condamnent Judith Brassard à 28 ans de réclusion criminelle et à verser 2 millions de dommages et intérêts, et ce malgré les rétractations de J. Osario et K. Pitre de leurs témoignages accusatoires. La sentence est confirmée en appel en 2010, puis par la Cour suprême en 2013. Toutes les voies de recours devant les juridictions colombiennes sont désormais épuisées.

 

Les fondements incohérents de l’accusation

– Selon la Cour Suprême, Judith Brassard est la seule personne qui aurait eu des dissensions avec la victime et à qui aurait pu bénéficier sa mort.
→ Judith a entamé une procédure de divorce en 2006 lors d’un voyage au Québec. Son avocate lui a appris qu’il n’existait pas d’entente entre le Canada et la Colombie concernant les biens familiaux. Judith s’est alors rendue à Miami et a vidé le compte bancaire de son conjoint (119 millions de dollars) en imitant sa signature. Elle a passé également un appel à Katerine Pitre lui demandant de lui envoyer ses bijoux.
→ Après le décès de son époux, Judith a réclamé l’argent de l’assurance vie, sous les conseils de Jose Raphael Rojas, frère de Felipe.

Cependant, Judith s’est assurée que seuls ses enfants pourraient en bénéficier. Elle leur en a donné une partie et avec l’autre, elle a contractée une assurance vie en les nommant bénéficiaires.

Pour la justice et la presse colombiennes, ainsi que pour la famille de Felipe, Judith Brassard était animée de la volonté de se séparer de son mari et de récupérer son argent. Celle que la presse colombienne surnomme la « veuve noire » semblait avoir les motifs pour commanditer le meurtre de son ex-époux.

– L’accusation s’est fondée sur les faux témoignages de John Osorio et Katerine Pitre.
Dans la première version de son témoignage, John Osario a affirmé qu’il avait eu rendez-vous avec Judith en juillet 2006 en Colombie, alors qu’elle se trouvait au Canada. Il a également affirmé qu’il avait reçu un appel de Judith provenant du Panama, la veille même de l’assassinat. Cependant l’avocat de Judith, Gustavo Gonzales Ramez, a rapporté la preuve que Judith n’avait jamais été au Panama et qu’aucun appel n’avait eu lieu ; le téléphone de Judith était d’ailleurs resté à Santa Marta. Par ailleurs, il n’existe aucune trace des 4000 dollars que Judith avait prétendument promis à J. Osorio pour le meurtre de son époux.
Malgré le fait que John Osorio et Katerine Pitre se soient rétractés, les juges ont décidé de ne pas écarter ces faux témoignages, et de les garder comme fondements de la condamnation.

 

L’existence de pistes potentielles non exploitées

Au cours d’un autre procès, un témoin s’est fait interroger sur le cas de Felipe Rojas. Selon ses dires, le meurtre de Felipe était un crime passionnel car celui-ci entretenait une relation amoureuse avec la femme d’un commandant paramilitaire. Le tueur à gages, Gabriel Ramirez Polo a affirmé avoir vu le frère de Felipe, Juan Miguel Rojas, remettre un paquet à Osorio, qui correspondrait au solde de l’argent pour le meurtre. Gabriel a dit que ses complices lui avaient confirmé que c’était bien le frère qui a fait tuer Felipe.
Selon John Osorio, Felipe a été tué car son cabinet blanchissait de l’argent du trafic de drogues et qu’il devait 100M dollars à des chefs paramilitaires.
Ces témoignages ouvrent tout autant de pistes qui n’ont pas été explorées par les autorités colombiennes.

 

Pressions et influences

La famille de Felipe a ouvertement exprimé son désir que Judith soit condamnée, et aurait effectué d’intenses pressions.
→ Sur Sandra Calero Valdez, chef de la prison de Santa Marta, aurait reçu des pressions de la part de la famille Rojas pour faire transférer Judith dans une prison de haute sécurité située à plus de 1000km de Santa Marta. L’objectif aurait été d’empêcher Judith de voir ses enfants.
Après avoir refusée, Sandra Valdez s’est fait renvoyer.
→ Juan Raphael Rojas aurait demandé à Adriano Sanchez Comaz de faire pression sur le tueur à gage Gabriel Ramirez Polo pour qu’il accuse Judith de l’assassinat. Adriano a souhaité témoigner de cette demande mais le juge aurait refusé.

 

La déclaration fracassante du Ministère public

Lors de la saisie de la Cour suprême sur l’affaire de Judith Brassard, le Ministère public :
→ a soulevé l’absence totale de preuve matérielle.
→ a remis en cause la crédibilité accordée par le tribunal aux déclarations de John Osorio.
→ a soulevé les preuves montrant que les témoignages d’Osorio et de K. Pitre étaient faux.
Le Ministère public a ainsi demandé l’application du principe du doute raisonnable et a exhorté la Cour suprême à casser la sentence et à libérer Judith Brassard.

 

Les moyens dont dispose Judith Brassard aujourd’hui

Suite à l’arrêt rendu par la Cour d’appel, Judith et sa famille ont fait appel au gouvernement canadien. Ce dernier à répondu que, tant que les voies de recours internes n’auraient pas été épuisées, il ne pouvait pas s’immiscer au sein justice colombienne. Maintenant que toutes les voies de recours ont été épuisées, il semble que seules la justice internationale et l’intervention du gouvernement canadien dans ce dossier pourraient faire avancer le cas de Judith Brassard qui continue de clamer son innocence.

 

CHRONOLOGIE :

  • 6 août 1994 : mariage de Felipe Rojas et de Judith Brassard à Québec.
  • Juin 2006 : Judith se rend à Québec avec ses enfants. Entame une procédure de divorce. Part à Miami récupérer l’argent de son conjoint.
  • Fin août 2006 : la Cour annule l’union de Felipe et Judith
  • 4 décembre 2006 : Felipe est assassiné à Santa Marta. Judith retourne en Colombie et décide d’y rester.
  • Eté 2008 : vacances au Québéc
  • 27 août 2008 : arrestation de Judith Brassard. Incarcérée en maison de préventive.
  • Février 2009 : condamnation de Judith à 28 de réclusion criminelle et 2 millions de dollars.
  • 20 octobre 2010 : confirmation par la cour d’appel du jugement rendu en 1ère instance.
  • Juin 2013 : Cour suprême confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

 

Sources :
  • http://ici.tou.tv/enquete/S2014E02?autoplay=true
  • http://www.eltiempo.com/archivo/documento/CMS-12900110
  • http://www.elespectador.com/noticias/judicial/el-affaire-brassard-articulo-430500
  • http://www.elheraldo.co/noticias/nacional/la-viuda-negra-de-santa-marta-116533
  • http://ici.radio-canada.ca/audio-video/media/2014/10/01/Judith-Brassard-emprisonnee-en-Colombie-reclame-un-proces-juste?externalId=7170570&appCode=medianet
  • http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/editoriaux/201108/11/01-4425259-les-droits-de-judith.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4512625_article_POS1
  • http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201204/06/01-4513019-affaire-judith-brassard-un-premier-pas-vers-la-liberte.php
  • http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201204/04/01-4512625-affaire-judith-brassard-la-cour-supreme-de-colombie-prete-a-entendre-la-cause.php
  • http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/201108/09/01-4424740-emprisonnee-en-colombie-judith-brassard-fait-appel-a-stephen-harper.php
  • http://freejudith.org/index.php?page=presse-et-medias