Source : Innocence international
Auteur : Ken Klonsky
Le 4 novembre 2015 (publication de la traduction)
Traduction : Delphine Jung
Assistance : Pauline Martinez
Accusés à tort : Les fausses confessions de Sebastian Burns et Atif Rafay
Lorsqu’on a l’impression que cela peut nous aider, c’est important. Quand cela s’avère entrer en conflit avec notre théorie, il suffit de l’ignorer. Ce n’est plus important.
Tout comme l’erreur est humaine et fait partie de tous systèmes créés par les humains, les condamnations injustifiées sont inévitables dans chaque système juridique. La pression publique sur les autorités pour résoudre la majorité des crimes, ainsi que les objectifs de carrière, rendent les erreurs encore plus probables. Lorsque personne ne peut réellement argumenter contre le fait que des condamnations injustifiées existent, le système lui-même ne peut pas changer. Maintes et maintes fois, les innocents souffrent inutilement pendant de longues périodes d’emprisonnement et sont parfois, dans certains cas, exécutés.
Certains pourraient penser qu’une condamnation injustifiée n’est reconnaissable que de l’intérieur, mais ce n’est pas vrai. En fait, les condamnations injustifiées sont faciles à reconnaître par leurs symptômes: une absence de preuve évidente, de faux aveux, des témoins peu fiables ou corrompus, des avocats inefficaces, des juges, polices et procureurs dont la vision est biaisée. Comme dans tous les syndromes, la présence d’une majorité de ces facteurs dans une affaire criminelle/pénale est un avertissement quant à un éventuel déni de justice.
Les condamnations injustifiées de Sebastian Burns et Atif Rafay en 2004 pour le massacre de la famille Rafay en 1994 à Bellevue, dans l’Etat de Washington, n’ont pas été abordées en détails en dehors des documents judiciaires soumis à leur appel qui n’a cessé d’être retardé. Les condamnations sont des erreurs judiciaires tragiques mais compréhensibles et une atteinte grave à la vie de personnes innocentes et leurs familles. Rien ne pourra jamais diminuer l’épreuve de cette tragédie, mais la justice, bien qu’en retard et lourde de procédure, doit pouvoir alléger certaines souffrances causées aux accusés et à la famille Burns.
Les interrogations suivantes mettent en lumières l’arrestation, le procès et la suite des événements :
1. Leurs “confessions” étaient-elles valides?
2. Pourquoi cela a-t-il été si facile pour les procureurs, la police et les médias de créer une histoire à propos du crime que le public, les jurés et les juges étaient prêts à accepter ?
3. Y avait-il des preuves significatives à l’encontre de Burns et Rafay ?
4. Y a-t-il eu des cas similaires que l’on peut superposer à celui-ci?
5. Comment fonctionne le phénomène du « tunnel de vision » (vision étroite) en marche ici, où seuls les faits qui ont confirmés le préjudice par les enquêteurs et les procureurs sont acceptables et où les facteurs pointant l’innocence sont ignorés ou rejetés
Mr Big
La fiabilité de l’opération “Mr Big” utilisée par la gendarmerie royale canadienne a été évaluée par la majorité des cliniques du Canada. Cette technique, conçue pour obtenir des aveux de suspects, a été centrale dans l’affaire Burns et Rafay. En bref, sans les soi-disant confessions, ont clairement manqué de substance quant à cette affaire. Les procureurs et la police se faisant échos, ont fait référence à “une montagne de preuves circonstancielles” contre Burns et Rafay, en insistant sur le fait que Mr Big a simplement mis en avant des preuves déjà existantes. Trois projets (Innocence International, The Idaho Innocence Project, and the Pacific Northwest Innocence Project contestent ces affirmations.
Plusieurs études ont été écrites concernant la fiabilité de cette technique sous couverture utilisée dans cette affaire. Toutes les cliniques canadiennes reconnues et tous les projets qui ont été pris en compte dans ces études, sont arrivées aux mêmes conclusions ne différant que par leurs recommandations finales. La majorité des études affirment que Mr Big est un outil qui a rencontré différents degrés de réussite – 75% sont des aveux et 95% sont des confessions devenues preuves – en élucidant des affaires classées ou des affaires dans lesquelles les preuves étaient insuffisantes ou ambigües. Cependant, toutes les études reconnaissent le vrai danger de faux aveux et des condamnations injustifiées, surtout mais pas exclusivement, chez les jeunes, les pauvres et les personnes dont les capacités intellectuelles sont affaiblies. Universellement, les études recommandent la mise en place de garde-fou, notamment qu’une des preuves retenues avant l’utilisation de la technique soit tangible. Les preuves tangibles de ce type excluraient les “insinuations” et les hypothèses de caractères, choses qui ont été prises en compte dans le procès de Sebastian Burns et Atif Rafay.
Une analyse de Mr Big réalisée par MaDonna Maidment de l’université de Guelph (Ontario) dans son livre When Justice is a Game: Unravelling Wrongful Convictions in Canada, (Fernwood), affirme entre autre que :
Si la preuve est insuffisante pour amener l’accusé à un procès, alors la police ne devrait pas avoir le droit d’adopter de telles méthodes extrêmes pour exiger des confessions peu importe le coût.
Le mot “coûter” peut faire penser aux taxes canadiennes. Le coup monté de Burns et Rafay a couté à lui seul plus d’un million de dollars ; la RCMP a admit avoir utilisé la technique plus de 500 fois en Colombie Britannique. En aucun cas ces chiffres indiquent une dépendance malsaine avec les preuves scientifiques. Il est bien plus facile d’obtenir un aveux d’une personne crédule, coupable ou innocente, que d’engager un travail sur la durée qui donnerait lieu à des résultats moins contestables.
D’autres études publiées sur Mr Big comprennent: Proof of Innocence de Steven Smith, Veronica Stinson et Marc Patry (St. Mary’s University, Halifax) réimprimée dans le American Psychological Journal; He Could Have Walked Away de Timothy Moore Regina Schuller et Karina Gagnier (York University, Toronto); Mr. Big Recruiting for the Criminal Underworld: An Examination of Undercover Police Investigations in Canada de Kouri Keenan (Simon Fraser University, Burnaby, BC); et Coercing a Confession: A Comparison of Tactics Used During In-Custody Interrogations and Mr. Big Investigations de Samuel Loeb et Michael Toulch, (UBC Law Innocence Project Vancouver, BC). De plus, une étude de la Simon Fraser University a permis la publication du livre de Joan Brockman et Kouri Keenan: Mr. Big: Exposing Undercover Investigations in Canada (Fernwood). Les théories de ces livres expliquent que les faux aveux obtenus grâce à la technique Mr Big, malgré toutes les annonces officielles de la RCMP affirmant le contraire, présentent un réel danger.
Finalement, les individus suivants ont chacun été libérés de prison et ont été dédommagés des erreurs de jugement apportées par les opérations Mr Big: Jason Dix, Clayton Mentuck, Kyle Unger and Andrew Rose. En plus, de sérieux doutes existent concernant les affaires de Patrick Fischer, Wade Skiffington, Sebastian Burns et Atif Rafay. Cette liste n’est pas exhaustive. Deux décisions récentes de la cour ont jeté le discrédit sur d’autres aveux obtenus grâce à la technique Mr Big affirmant que cette technique, ainsi utilisée dans ces deux affaires, a été fondamentalement imparfaite.
Il est difficile pour ceux qui défendent les libertés civiles et une police plus efficace de voir ces situations, dans lesquelles les policiers se faisant passer pour des gangsters, sont autorisés à obtenir des aveux en utilisant des incitations financières et l’intimidation. Ce type de preuves est corrompu par définition, et il s’agit même d’une violation du droit contre l’auto-incrimination au regard d’une cour américaine. Le Canada a des lois similaires relatives à la fiabilité des aveux alors même que le suspect n’est pas informé de son droit à garder le silence. Cependant, la technique Mr Big a autorisé une exemption à cause d’une décision perverse de la Cour Suprême du Canada qui a statué que le caractère volontaire de la déclaration vaut uniquement lorsque le suspect croit qu’il a affaire à une personne d’autorité (police et juges). L’aveu est déclaré correct lorsque le suspect croit qu’il traite avec des gangsters car les gangsters ne sont pas tenus d’informer le suspect de son droit de garder le silence. Peu importe si le gangster est un policier et peu importe que l’applicabilité d’une telle règle soit si large qu’elle admette virtuellement toute forme de coercition.
En réalité, le danger que représente la technique Mr Big n’est pas limité au suspect. Le renforcement de la loi elle-même est un risque. Les policiers qui se comportent comme des gangsters rappellent l’analogie du canard : si cela ressemble à un canard, marche comme un canard, cancane comme un canard, c’est un canard. Les policiers qui se comportent ainsi et qui donne de l’argent au crime organisé sont des gangsters. Même le tribunal admet que l’aveu n’a pas été obtenu par la police, mais par des gangsters. L’aveu ne devrait avoir de poids que lorsqu’il est fait à des officiers de police qui informent le suspect de ses droits à garder le silence, ou, en d’autres termes, de son droit à donner un aveu légal. L’autre danger de la technique Mr Big est un manque de respect de la loi en général et une tendance à un comportement violent au sein des forces de police elles-mêmes. En ce qui concerne ces faits de violence dans l’utilisation de la technique Mr Big, les études de Guelph font des références spécifiques à la méthodologie:
Le déséquilibre remarquable de pouvoir inhérent à ces opérations d’infiltration et les moyens monétaires illimités dont la police dispose créée un terrain fertile pour des condamnations injustifiées. Ces coups montés sont choquant car ils mettent en avant une dégradation sexuelle des femmes, l’usage de drogues, d’alcool et l’usage de la violence pour démontrer l’hyper-masculinité des acteurs.
La méthodologie employée pour donner des aveux à Mr Big les a rendus très suspects. Les garçons ont dit aux gangsters exactement ce que ces derniers les ont poussés à dire, car le danger que représentait un faux aveux apparaissaient moins grand que celui de dire la vérité.
Le contexte légal et historique de l’affaire Burns/Rafay: comment l’histoire a gagné en crédibilité
Quatre affaires similaires ont fortement affecté le procès de Burns et Rafay aussi bien au niveau conscient et inconscient. L’affaire Loeb et Leopold (1924) a donné un contexte historique à l’assassinat de la famille Rafay. Les affaires Darren Heunemann, Derick Lord et David Muir en Colombie Britannique, les frères Menendez en Californie, et Marti Tankleff à New York, ont permis d’avoir trois exemples de jeunes gens ayant supposément tué leurs parents pour de l’argent et ayant avoué leur crime. Tankleff a depuis été libéré de prison à cause de l’invalidation de son aveu par des faits émanant du cas. Huenemann, Lord et Muir ont été condamnés en 1992; les affaires Menendez et Tankleff ont également été traitées dans la même période (1993-4) où la famille Rafay a été assassinée et aura certainement été présente dans les esprits des enquêteurs de police et des juges. Les trois affaires contemporaines attirent forcément la notoriété ; Loeb et Leopold reste l’un des crimes les plus impopulaires de l’histoire des Etats-Unis.
Richard Loeb and Nathan Leopold
Le parallèle entre Rafay/Burns et Richard Loeb/Nathan Leopold est parfois frappante. Rafay et Burns avaient 18 ans, Loeb et Leopold 19 lorsque les crimes ont été commis et qu’ils ont été condamnés. Que Loeb et Leopolod ont réellement tué leur ami, Bobbie Franks n’a jamais été une question importante. Que S. Burns a joué dans une pièce de théâtre à l’école qui était basée sur l’affaire Loeb et Leopold et dans laquelle il a substitué une batte de baseball pour une corde pour l’utiliser comme arme a été un facteur important dans le verdict des jurés.
Loeb et Leopold, deux personnes aisées socialement, ont utilisé la philosophie de Nietzsche pour justifier leur abnégation de la morale conventionnelle. Leur relation de couple a été un acte de défiance mais totalement inoffensif. Loeb, cependant, était fasciné par le crime, les comportements criminels, les romans policiers, et avait un casier judiciaire. En regardant la vie de Loeb, son sens des valeurs a été mis à mal, sa préoccupation, même son obsession, était de commettre un crime et d’échapper à la justice. Nathan Leopold, sous la domination de Loeb, a erré dans un abîme d’amoralité et a rejoint son ami pour tuer un jeune tout en essayant de dissimuler leur implication dans ce crime. Leur sens du droit et de la perversion a été attribué à Nietzsche mais leur compréhension du philosophe était sélective.
Rafay et Burns se sont peut-être imaginés intellectuellement supérieurs par rapport aux autres étudiants et dégageaient une certaine arrogance. L’anti-intellectualisme est universel dans le contexte social de l’école, même une école publique pour les familles riches. Ceux qui sont exclus créent souvent leurs propres barrières, leur propre exclusivité. Rafay et Burns ont incontestablement été perçus différemment par les professeurs et les autres étudiants. Le point doit également être fait sur le fait que l’anti-intellectualisme s’étend bien au-delà de l’environnement scolaire et imprègne la société nord-américaine. Les jurés seraient beaucoup moins sympathiques envers des accusés qu’ils perçoivent comme « bêtes ».
Cependant, en dehors des farces étudiantes et autres stupidités, il n’y avait pas une once de violence ou de criminalités dans leurs actions précédentes. Le pire que l’on puisse dire, c’est que Burns a eu un accident de voiture qu’il a essayé de couvrir par un mensonge. Tous ceux qui ont élevés un adolescent ont expérimenté ce genre de choses. Pourtant, ils ont été reconnus coupables d’avoir assassiné une famille pour de l’argent, nonobstant le fait qu’un tel crime indiquerait une pathologie ou un fanatisme. Était-ce l’amour pour Nietzsche qui a causé ce matraquage ?
Nietzsche lui-même a été jugé coupable par association. Un exemple parfait de ce genre de réflexion que révèle le livre de Peter Van Sant et Jenna Jackson. Ce livre a été basé sur un programme télé “True Crime Account”. Bien que le livre prétend être objectif et garde le mystère entourant le crime pour le lecteur tout comme s’il était juré, il semble tout de même pencher du côté de ceux qui pensent que l’affaire Rafay et Burns est une version moderne de l’affaire Loeb et Leopold.
Nietzsche est mieux connu pour sa théorie du surhomme, la croyance que la morale et les règles de la société ne s’appliquent pas à la supériorité morale. Nietzsche a écrit sur «la volonté de faire », le pouvoir de la volonté, en faisant référence à l’usage de la violence pour avoir ce qu’il désire. Nietzsche a aussi été connu pour avoir déclaré que « Dieu est mort ». Adolf Hitler s’est référé à Nietzsche comme l’un des pères du nazisme bien que Nietzsche ait vécu à une autre époque.
Le travail de Nietzsche, parmi les plus grands philosophes dans la tradition occidentale, dépasse cet article. Autant dire que Nietzsche est l’auteur le plus cité dans les sciences humaines. Une tentative a été faite avec succès de combiner l’intérêt de Nietzsche et la mise à mort de la famille Rafay. Burns et Rafay étaient des étudiants intelligents avec un grand intérêt pour Nietzsche. Par conséquent, le raisonnement est le suivant:
1. Les règles de la société ne s’appliquent pas à eux.
2. Ils avaient un droit inhérent à utiliser la violence et la tromperie pour atteindre leur but.
3. Ils ne croyaient pas en Dieu et parce qu’Hitler considérait Nietzsche comme une source d’inspiration.
4. Que l’amour pour le philosophe pourrait être assimilé à la politique nazie d’extermination des races inférieures, peu importe qu’il s’agissait de la famille de Rafay. Il est généralement accepté que l’athéisme ne constitue pas une propension à la criminalité, mais si les autres suppositions étaient vraies, tous les spécialistes en philosophie dont le travail est centré sur Nietzsche devraient être démis de leurs fonctions car ils sont des criminels potentiels et même des meurtriers de masse. Par conséquent, c’est une pure coïncidence que Burns et Rafay avaient un amour pour Nietzsche comme Loeb et Leopold et que cela soit souligné par la police et les medias. Tandis que l’amour pour Hitler est souvent un dénominateur commun dans les fusillades d’écoles, Nietzsche ne doit en aucun cas être assimilé à Hitler. Les interprétations nazies attachées à Nietzsche ont été résolument réfutées par Walter Kaufman en 1954.
La pièce jouée à l’école de Burns, The Rope, dans laquelle une batte de baseball était utilisée comme arme du crime à la place d’une corde est apparue comme une preuve circonstancielle de l’implication de Burns dans la mort des Rafay. Il ne semble pas très intelligent d’annoncer l’arme avec laquelle on va commettre un meurtre aussi horrible. Même s’il n’a jamais été prouvé que la batte de baseball a été utilisée, le crime joué par Burns dans la pièce est similaire au crime réel.
Toutefois, il y a une distinction importante qui sépare Burns et Rafay de Loeb et Leopold. Les lunettes de Nathan Leopold ont été trouvées là où le corps de Frank a été enterré. La machine à écrire à l’école de droit de Loeb est celle qui a été utilisée pour produire la demande de rançon aux parents de Frank. Ils ont avoué le crime à la police. Ils n’ont jamais retiré leurs confessions. Ils ont plaidé coupables. Lors d’une audience, Clarence Darrow leur a sauvé la vie grâce à sa plaidoirie passionnelle contre la peine de mort.
Tout indique cependant que Burns et Rafay ne sont pas liés au meurtre de la famille Rafay. Les procureurs se sont référés aux cheveux de Burns trouvés dans la douche où les tueurs ont lavé le sang de leurs victimes. Considérant que Burns séjournait parfois au domicile de Rafay et a donc utilisé cette douche, les cheveux ne constituent pas une preuve, sauf si l’on croit que l’adolescent nettoie constamment derrière lui. Des poils pubiens ont été retrouvés dans le lit de Rafay Tariq mais ils n’appartiennent ni à Burns ni à un membre de la famille Rafay. La police et les procureurs pensaient que les poils pubiens seraient la clé de voute de toute l’enquête, mais dès lors qu’ils ne correspondaient pas aux suspects, les cheveux de la douche ont été considérés comme sans valeur. L’ADN trouvé dans la maison ne correspondant ni à Burns ni à aucun membre de la famille Rafay cela n’a as été considéré comme pertinent. Ce raisonnement est préjudiciable ce qui a amené Jeff Robinson à dire :
Lorsque cela semble nous aider, c’est significatif. Quand cela s’avère en conflit avec notre théorie, on l’ignore et ce n’est plus important.
En fait, Burns et Rafay ont été emmenés par la police dans un motel miteux, on a cherché sur eux d’éventuelles traces de sang, des blessures ou des ecchymoses, et ils ont ensuite été soumis à un interrogatoire. Bien que ces questionnements se soient déroulés sur plusieurs jours, rien n’a été découvert les reliant aux meurtres. Le sang est pourtant difficile à laver. Pourtant, Bob Thompson, un détective de Bellevue, qui n’avait encore jamais travaillé sur un meurtre, n’a pas vu l’absence de preuves incriminantes. Cela a juste confirmé pour lui que les deux garçons, ont essayé, comme Richard Loeb, de commettre de « crime parfait ».
Les pistes prometteuses concernant les fondamentalistes musulmans ont été refusées par le tribunal. Un indice d’un informateur du FBI a été averti d’un complot visant à tuer une famille pakistanaise qui avait déménagé à Bellevue. Le juge a refusé d’autoriser ce témoignage dans la salle d’audience. L’ami et collègue de Tariq Rafay, Riasat Ali Khan, fondateur de Pakistan Canada Association dont Tariq était un ancien membre, a été abattu devant son domicile à Vancouver peu de temps avant le procès de Rafay et Burns. Ce crime n’a jamais été résolu, tout comme le meurtre de la famille Rafay.
Le plus gros problème pour le détective Thompson était que les garçons regardaient Le Roi Lion ce soir-là. La séance avait commencé à 21h50 et le film a commencé à 22h. Les voisins ont entendu des bruits et des gémissements à la maison des Rafay entre 21h45 et 22h15. Il semblerait que les meurtres ont été commis alors que les garçons étaient au cinéma. A 22h05 le film commence, Sebastian Burns est sorti pour se plaindre d’un rideau défectueux. Les policiers étaient sûrs qu’ils essayaient d’attirer l’attention et établir un alibi. En partie grâce à de faux aveux de Burns qui, pour impressionner les gangsters et soulager sa situation, était trop intelligent et inventif pour son propre bien, il a été théorisé que
1 ) ils ont quitté furtivement la salle de cinéma par la porte de côté
2 ) sont retournés au domicile de Rafay
3 ) se sont déshabillés
4 ) ont tué la famille
5 ) se sont douchés et rhabillés
6 ) sont allés ailleurs,
7 ) sont revenus plus tard pour «découvrir» les corps.
Le calendrier et les détails de ce scénario étaient peu probables et le fait qu’il a été « parfaitement exécuté », doit même avoir impressionné le procureur, Richard Konaté, qui avait aidé à le créer. Selon lui, il a conclu que le crime ne devait pas avoir eu lieu durant le film, abandonnant alors partiellement sa propre théorie au dernier moment.
L’absence de Sebastian et Atif de la maison Rafay Durant l’attaque a été traitée comme une preuve contre eux. Ce n’est pas venu à l’esprit des enquêteurs que les tueurs ont peut-être attendu dehors, jusqu’à ce que les garçons sortent. Ces meurtriers, au nombre probable de trois d’après les éclaboussures de sang, ont peut-être voulu éviter toute confrontation physique avec deux jeunes de 18 ans ou ne serait-ce que d’être en infériorité numérique. Mais depuis que Rafay et Burns sont dits être coupables, des théories alternatives ont alors été volontairement rationalisées ou ignorées.
La crédibilité de la soi-disant preuve contre Burns et Rafay a été soulevée dans le cadre des aveux aux gangsters de la GRC, mais aussi dans l’utilisation d’un témoin peu fiable. Depuis qu’ils ont avoué les meurtres, tout doit suivre de cela, c’est à dire qu’ils devaient avoir quitté le théâtre ou bien les voisins se sont trompés sur le calendrier, car comment pourraient-ils avoir tué la famille?
Le scénario a été proposé aux proches de Burns et Rafay, notamment le témoin vedette, Jimmy Miyoshi, qui a vaguement répété les détails sur un enregistrement à Seattle, après avoir signé une entente d’immunité. Pour le jury et les médias, Miyoshi confirmait les théories de l’accusation. Selon toute vraisemblance, son témoignage a été partiellement fabriqué. Qui pourrait blâmer Miyoshi? Comme il a été dit que Burns et Rafay avaient «avoué» à la GRC, il a fait ce que presque tout le monde aurait fait dans de telles circonstances.
Avoir une vision étroite pousse à croire que les adolescents ont été catégorisés comme des individus à comportement criminel. Ils ont loué un lecteur vidéo et un film lorsqu’ils étaient dans la chambre de motel. Cela montre l’insensibilité des criminels. On s’est posé la question du pourquoi ils ont fait quelque chose d’aussi frivole alors que de terribles meurtres venaient d’être commis. La question n’a pas de sens et elle est rhétorique. Si la présomption d’innocence leur avait été accordée, on pourrait aussi dire qu’ils ont juste essayé d’échapper à la réalité.
Ils n’étaient pas en état d’arrestation et pourtant ils étaient d’accord pour tous les tests sans la présence d’un avocat. Cela suppose une arrogance. Miyoshi dit qu’ils avaient prévu de le tuer, comme Loeb et Leopold, afin de déjouer la police. Dans son témoignage, chaque détail qui pourrait montrer leur innocence a été expliqué comme faisant partie d’un complot. Par exemple, aucune preuve ne provenait des appareils d’écoute de la maison de Burns ou de sa voiture. Car, comme Miyoshi et les procureurs l’affirmaient, c’était parce qu’ils savaient qu’ils étaient sur écoute. Ils ne l’étaient pas lorsqu’ils ont été arrêtés et on leur a donné la permission de quitter le pays. Burns a vécu à Vancouver et Rafay a toujours habité au même endroit jusqu’à ce que la famille déménage à Bellevue. En d’autres termes, ils sont rentrés à la maison. Thompson et Konat ont affirmé encore et encore qu’ils ont fui au Canada. Cette affirmation a été en permanence dans les esprits et présente dans les medias. La famille Rafay ont eu un enterrement à Bellevue le jour où ils sont partis. Depuis, les garçons ont été maintenus en isolement, ils ne savaient rien en ce qui concerne les funérailles. Pourtant, leur fuite a tout de même été prise comme un signe de comportement criminel, et donc, ils étaient coupables. Finalemment, Miyoshi a affirmé que la raison pour laquelle Sebastian a rendu visite à Rafay n’étaient pas pour passer du temps ensemble pendant les vacances scolaires, mais pour répandre leur ADN partout dans la maison afin que cela puisse avoir du poids lorsque les enquêteurs l’ont retrouvé sur place. Cette allégation a plus tard suggéré au jury que Sebastian et Atif étaient malhonnêtes. Comme Miyoshi a affirmé que Atif était hostile à sa propre famille, le jury a pu (et a cru) croire que la visite à Bellevue était quelque chose d’inhabituel.
Le résumé de Konat tente de démontrer que Burns et Rafay étaient une version de Loeb et Leopolod:
Mesdames et messieurs les Membres du jury, presque 10 ans, jour pour jour, un intellectuel de la Ivy League, Atif Rafay, et son plus grand ami au monde, Sebastian Burns… Ont planifié, au printemps 1994 d’agir selon leur plan, et de finalement capturer ce sentiment de droit qu’ils pensaient n’appartenir qu’à eux.
Dans l’essentiel, la police, les procureurs et le juge ont créé, avec l’aide des affaires historiques, des monstres “amoraux”, qui auraient pu commettre le crime qui leur a été attribué. Leur culpabilité a été présupposée de telle manière qu’ils ont été caractérisés d’une certaine manière pour correspondre aux actes haineux qu’ils n’ont pas commis.
Darren Huenemann, Derik Lord, et David Muir
Darren Huenemann, Derick Lord and David Muir ont été condamnés en 1992 pour le meurtre de la mère de Darren en 1990, Sharon, et sa grand-mère, Doris L. On a affirmé que Huenemann, 19 ans, a engagé Lord, 17 ans et Muir, 16 ans, pour tuer sa riche grand-mère ainsi que sa mère pour hériter de la fortune de sa grand-mère qui s’élevait à 4 millions de dollars. Ce meurtre a eu lieu sur l’île de Vancouver, près de Victoria en Colombie britannique. L’affaire a attiré l’attention de manière considérable et a entrainé la sortie d’un livre. Le trio a été reconnu coupable et cela a sûrement influencé la décision de la GRC de mettre en place un coup monté contre Burns et Rafay, en l’absence de preuve évidente.
La police a fait comme si David Muir avait confessé son implication dans les crimes avant le procès, mais il n’y a aucune certitude vis-à-vis de cela, ni aucune transcription. Muir a été présenté avec une confession écrite et une demande qu’il a signée, mais ne l’a jamais fait. Dans tous les cas, ladite confession a été rejetée par l’audience car on ne lui a jamais dit qu’il pouvait garder le silence. Après le procès, en échange d’un accord qui lui a permis de quitter la prison au bout de dix ans, Muir a confessé aux autorités qu’il avait commis le crime. Cette confession n’a jamais été vue en public, mais Muir a été relâché comme promis. Il a été courageux et a pris l’engagement de refuser une entente face à une sentence à perpétuité, mais certaines personnes, comme Derick Lord, ne peuvent pas vivre avec eux-mêmes en portant un tel mensonge incriminant. Lord a continué à clamer son innocence en restant derrière les barreaux jusqu’à aujourd’hui, soit 19 ans. Huenemann n’a jamais admis être coupable non plus. Un livre de Lisa Hobbs Birnie, intitulé “Such a good boy: How a Pamperde son’s Greed led to murder”, donne un récit objectif de ce qui s’est passé. Le titre du livre à lui seul fait référence à la question de l’objectivité, de la même manière que le titre « Perfectly executed » concernant Burns et Rafay. Par défintion, le verdict d’un procès est jugé comme étant une vérité objective. « La vérité et rien que la vérité », réelle ou fabriquée, est réconfortante. Le système légal, la société et les proches de la victime ont besoin de tourner la page.
L’ancienne petite amie de Huenemann, Amanda Cousins, était le témoin principal contre son ancien petit ami et ses deux plus jeunes amis. Pour nous, la similarité la plus importante dans ces deux cas est l’utilisation de deux témoins. Cousins et Miyoshi étaient tous les deux visés par des accusations de conspiration et leur témoignage ont été utilisés en échange de leur immunité. Pour Huenemann, Lord et Muir, le juge a autorisé que le témoignage de Cousin constitue l’ensemble de l’affaire.
Les deux crimes étaient tout aussi horribles. Est-ce que deux adolescents sont capables de trancher la gorge et la veine jugulaire de deux femmes adultes en échange d’être le garde du corps de Huenemann ? Est-ce que Burns et Rafay pouvaient avoir matraqué la famille Rafay dans le but de financer la réalisation d’un film ? On a dit que Darren Huenemann avait exprimé son hostilité envers sa grand-mère tandis qu’il jouait à Donjons et Dragons avec ses amis. Rafay a dit à Jimmy Miyoshi qu’il voulait tuer sa famille, une revendication qui n’a aucune légitimité étant donné sa source. Après avoir tué la grand-mère et sa fille, Muir et Lord ont, semblerait-il, maquillé ce crime en cambriolage. Idem pour Burns et Rafay. Ce point est particulièrement inquiétant étant donné que le faux cambriolage est souvent utilisé comme preuve. Quiconque commet un tel crime, un ancien petit ami par exemple, ou un groupe religieux empreint de vengeance, ferait croire à un cambriolage, car il est bien connu qu’un cambriolage peut tourner en crime.
Il faut rappeler que les deux cas ne disposent d’aucune preuve tangible. On a offert à Rafay un accord pour qu’il compromette Burns et il a purgé sa peine au Canada en étant éligible à une libération conditionnelle. Comme Derick Lord il a refusé de faire appel.
Erik and Lyle Menendez
Les frères Mendez, qui ont avoué avoir tué leurs parents, venaient d’une riche famille de Californie. Des célébrités ont utilisé leur maison somptueuse. Les familles Rafay et Burns n’avaient pas ce niveau de vie même si la famille Burns avait une jolie maison à l’ouest de Vancouver. La plupart des histoires concernant Burns et Rafay faisaient référence au riche quartier de Vancouver Ouest, comme si la richesse elle-même, au même titre que la pauvreté, avait un certain rapport avec la criminalité. En fait, la famille Rafay n’était pas du tout riche. Leur maison à Bellevue dans l’État de Washington était hypothéquée. Et pourquoi ? Car Tariq Rafay devait mettre de l’argent de côté pour payer des études à l’Université Cornell. Il avait un fils brillant et voulait qu’il ait une bonne scolarité. M. Rafay gagne moins de 60 000 $/ an et a une fille atteinte d’une maladie grave au cerveau et deux assurances-vie qui valent 100 000$ chacune. Aucune preuve n’indique qu’Atifétait au courant des assurances-vie avant les meurtres. En effet, Dave Burns, le père de Sebastian a dit que « s’ils avaient vraiment voulu tuer quelqu’un, ce serait moi ». Et, bien sûr, la peine de mort n’existe pas au Canada. Quelqu’un qui planifie un tel crime pour gagner de l’argent aurait été au courant de ces facteurs.
Erik et Lyle Menendez ont plaidé coupable pour le meurtre de leurs parents. Leur procès était articulé sur le mobile du crime. Si on avait pu établir qu’ils ont été abusés sexuellement par leur père et émotionnellement par leurs parents et qu’ils étaient en danger, alors ils ne pouvaient pas être reconnus coupables de meurtre au premier degré. Les procureurs allèguent que les meurtres ont été faits pour le contrôle de la succession de leurs parents. Le premier jury était tenu, mais le second jury a été convaincu par la motivation financière. Par intérêt, les procureurs dans l’affaire de Burns et Rafay, ne voulant pas prendre quelconque chance, ont attribué les motifs à la paire. Premièrement, Konat a déclaré que les garçons voulaient acquérir la propriété familiale de Rafay pour faire un film, mais il était clair qu’ils n’ont pensé faire un film que beaucoup plus tard. (Parallèlement, Erik Menendez et son ami avaient écrit un scénario intitulé «Amis» qu’ils voulaient produire.) Deuxièmement, les procureurs ont affirmé que Tariq Rafay était un «père dominateur profondément religieux”. “Dominateur” était le même terme utilisé par les enquêteurs pour décrire Jose Menendez. Mais cela ne correspondait pas au doux et maniéré Tariq Rafay.
Les deux cas ont été déclarés via un appel au 911 par les auteurs présumés qui ont signalé les meurtres. La police a indiqué qu’Erik et Lyle couraient en hurlant, mais qu’ils n’étaient pas bouleversés d’après eux. On a dit que Burns et Rafay avaient agi bizarrement, pas comme on attendrait qu’une personne qui découvre des meurtres agisse. Cette même question, comment une personne réagit après un assassinat, à la fois sur la scène du crime et dans la salle d’audience, est entrée en jeu dans le cas récent d’Amanda Knox (peut-être condamnée à tort ainsi) dont on a dit qu’elle a eu une «attitude étrange» au commissariat de police. Amanda s’est assise sur les genoux de son co-condamné, Raffaele Sollecito, en attendant l’interrogatoire, et les deux ont souri dans le prétoire. Aucune étiquette spécifique ne régit la manière de se comporter face à une scène de crime, et aucunes conclusions ne peuvent être tirées des observations d’un tel comportement. De même, que Knox assise sur les genoux de son petit-ami n’est pas pertinent, un rendez-vous sexuel de Burns avec son avocat ne l’est pas non plus. Burns, avait déjà passé plusieurs années dans une prison canadienne dans l’attente de son extradition; il n’était pas à l’abri des désirs de son avocat ou des siens.
Lors de leur interpellation, Erik et Lyle ont été décrits comme “prétentieux et arrogant”. En ce qui concerne Burns et Rafay, les enquêteurs, le jury et le public ont été fortement influencés par leur comportement. Des calomnies extraordinaires, en particulier à propos de Burns, ont été exprimés pendant et après le procès. La déclaration de Konat est indicative :
Sebastian Burns est incroyablement ennuyeux et, si cela est possible, peut-être un individu des plus arrogants …
Les mots des jurés:
Sebastian ricana. Il avait un regard mauvais sur son visage.
Les mots du juge:
Vous n’êtes pas immoral, M. Burns, vous êtes amoral.
Ces déclarations sont le signe d’un animus, surtout envers Sebastian mais aussi envers Atif, qui a dominé la salle d’audience Mertel même deux ans après le procès. Les jurés qui les avaient condamnés ont dit qu’ils étaient «terrifiés» par Sebastian même s’il était en détention et condamné à vie sans possibilité de libération conditionnelle. Une de ses anciens professeurs a dit qu’elle n’était pas surprise que Burns pourrait être un meurtrier, même si aucun des autres enseignants interrogés n’est allé jusqu’à une telle conclusion, en disant seulement qu’il pouvait être une menace à sa manière. Rafay, d’autre part, a presque été universellement aimé et admiré par ses enseignants et les parents de ses amis. Pourtant, en réponse à un article paru récemment dans un tabloïd de Vancouver, un individu a écrit pour se plaindre qu’Atif Rafay ne devrait pas être autorisé à se mêler aux autres prisonniers de peur qu’il persuade insidieusement quelqu’un d’assassiner un autre détenu. La croyance que Rafay était le marionnettiste des conflits avec le point de vue tout aussi aberrent du juge Mertel, que Burns, tout comme Richard Loeb et Lyle Menendez, était le diable génie manipulant le dupe, dans cette affaire, Atif Rafay, à participer au meurtre de ses parents. Une fois encore, les monstres ont été créés pour correspondre au crime.
En ce sens, le personnage de Sebastian Burns était un problème dans la salle d’audience, on peut souligner que les traits qu’il affiche sont sans rapport avec le crime pour lequel il a été condamné. Menendez et Loeb, grâce à leur niveau social qui leur est conféré ont eu ces traits comme décrit plus haut, étrangers aux actes qu’ils ont commis. Une salle d’audience peut être moins un sanctuaire de la justice aveugle et plus comme une compétition sportive; le spectateur (ou le juré) identifie avec un «côté» ou de l’autre, parfois pour des raisons complètement inconscientes. Ces sentiments inconscients peuvent être recouverts par les procureurs intelligents qui utilisent le procès comme un «jeu» pour marquer des points. Jouer sur la perception de l’arrogance produit une puissante animosité contre un défendeur, quel que soit le bien-fondé de la cause et quelle que soit la vérité. Toutes les personnes impliquées dans le système juridique devraient être défenseures de la vérité, mais cela est un idéal, un idéal inaccessible si la juge elle-même est partiale, même inconsciemment, envers les défendeurs.
Les traits de caractères de Sebastian Burns sont également présents chez les personnes atteintes du syndrome d’Asperger, une forme ” légère ” d’autisme. Il est possible que ce syndrome ait eu des effets ; ces traits de caractères ont démontré qu’un tel comportement n’a rien à voir avec une intention meurtrière. Selon le Autism Sprectrume Disorders Health Center, une personne avec le syndrome d’Asperger pourrait exposer les tendances suivantes :
1. Une incapacité à revenir sur les indices sociaux et l’absence de compétences sociales, comme être capable de lire le langage corporel des autres : Burns est facilement berné par l’opération Mr. Big.
2. L’apparition d’un manque d’empathie : Le Juge Mertel pensait qu’il était amoral, la plupart voyaient en lui quelqu’un d’«odieux» ou d’«arrogant».
3. Incapable de reconnaître les différences subtiles dans le discours, le ton, et l’accent qui altèrent le sens du discours des autres : Le comportement de Burns a montré qu’il ne comprenait pas la façon dont les autres le voyait, surtout lorsqu’ils employaient un ton d’ironie ou l’euphémisme pour le corriger.
4. Avoir une manière formelle de parler avancée pour son âge : C’est pour cela qu’on a déterminé qu’il était arrogant.
5. Eviter de croiser le regard des autres : Le jury se plaignait de regards menaçants de la part de Burns.
6. Avoir des expressions ou des postures faciales inhabituelles : Chaque observateur a commenté ce trait.
7. Etre préoccupé par seulement un ou quelques intérêts, sur lesquels il peut être très bien informé. Il peut montrer un intérêt inhabituel pour certains sujets, comme Burns l’a fait sur les films.
8. Avoir tendance à parler beaucoup, à tenir des conversations unilatérales. Les pensées intérieures sont souvent verbalisées : Burns, a parlé pendant une heure et demie avant la sentence et son apparition à la barre a été un désastre.
Une fois de plus, on ne sait pas avec certitude si Burns souffre du syndrome d’Asperger, mais ces traits de caractère pourraient être préjudiciables dans une salle d’audience ; ils ne constituent certainement pas une preuve circonstancielle. Jeff Robinson, l’un des avocats de la défense a mentionné toutes ces réserves sur la soi-disant preuve dans son résumé; tout dans cette sommation était vrai et raisonnable, mais rien de ce qu’il a dit n’a pu aller contre l’animosité.
… il vous est donné une invitation pas si subtile par l’état pour juger ce jeune homme, non pas sur la preuve , mais sur … la personnalité .
Marty Tankleff
L’affaire Tankleff est originaire du comté de Suffolk, Long Island. La motivation attribuée à Tankleff et la façon dont l’affaire reposait sur une fausse confession ressemble à l’affaire Rafay / Burns. Marty, alors âgé de 17 ans, a été soupçonné par la police d’avoir poignardé son père et sa mère dans leurs lits pour des motifs financiers, un autre crime cruel et sinistre commis par quelqu’un qui n’a montré aucun penchant pour la violence précédemment. Il a été intimidé et a refusé de dormir durant l’interrogatoire jusqu’à ce qu’il fut totalement épuisé. La police a demandé s’il avait été dans un état de black-out (perte de conscience) puis commis l’assassinat dans un état de transe. Marty a reconnu avoir pu être dans un état de black-out, mais qu’il n’avait aucun moyen de savoir. Pour la police, cette déclaration constituait une confession. Quand ils ont demandé leur suspect de signer une déclaration, il a refusé, mais son destin était scellé. Il a été condamné en l’absence de preuves tangibles et a fait 17 ans dans la prison jusqu’à sa libération en 2009.
Ancien détective de la police de New York, Jay Salpeter, relança l’affaire en découvrant le tueur à gages et la personne qui l’avait embauchée, un ancien associé d’affaires du père de Marty. M. Tankleff devait une très grosse somme d’argent à son associé. Marty avait affirmé son innocence tout le temps qu’il était en prison, mais telle est la puissance de la vision avec des œillères et le lien entre les confessions et les convictions sur lesquelles les autorités du Comté de Suffolk ont continué à insister, même après sa libération. La famille élargie de Marty est restée derrière lui pendant toute l’épreuve, tout comme la famille Burns et la famille Lord continuent à soutenir leurs fils.
Un jury a été convaincu de la culpabilité de Tankleff malgré le fait que la soit disant confession ait été retirée. Des aveux sur lesquels on revient ne peuvent pas être considérés comme des aveux en ce sens que Loeb et Leopold, les frères Menendez, et David Muir ont effectivement avoué. Alors qu’il soit certainement possible que Muir ait avoué dans le but de plaider coupable, le fait est qu’il n’a pas retiré sa confession. Burns et Rafay ont avoué parce qu’ils ont appris que la police de Bellevue a fabriqué de preuves contre eux en utilisant leur ADN, et qu’ils avaient le pouvoir de faire disparaître la preuve. Bien sûr, ils ont également conduit les garçons à croire qu’ils étaient des individus sans scrupules qui tenaient le sort de leur vie entre leurs mains. Ici, les aveux mènent à des condamnations plus que toute autre forme de preuve, de sorte que la police fera tout pour les obtenir. Une fois qu’une confession a conduit à une condamnation, la possibilité que ce soit une fausse confession menant à une condamnation injustifiée est toujours refusée, parce que cela entacherait la réputation de nombreux fonctionnaires qui peuvent avoir involontairement participé à l’ensemble de cette injustice qui serait trop lourde à supporter.
Guy Paul Morin and Tunnel Vision
L’affaire Guy Paul Morin a été le point de repère en ce qui concerne les condamnations injustifiées au Canada. A partir de ce cas, a été formée l’Association pour la défense des personnes injustement condamnées (AIDWYC), dirigée à l’époque par Rubin «Hurricane» Carter. À tous les égards, l’affaire évoque tout ce qui peut se passer lorsque des fonctionnaires ont une “vision tunnel». Morin a été acquitté du viol et de l’assassinat d’une enfant de neuf ans, Christine Jessop. Mais les Canadiens, dans certaines rares circonstances entourant les instructions d’un juge, se voient ne pas se faire accorder le droit contre la double incrimination. Attachés au juge d’instruction du premier procès et la réception d’une décision favorable de la cour d’appel, les procureurs ont été en mesure de réévaluer l’affaire Morin. Il a été reconnu coupable une nouvelle fois et envoyé en prison. La conviction résulte de la manipulation de la preuve, de témoignages de témoins peu fiables, et surtout, de la diffamation. Le cas de Morin fournit un modèle pour Burns et Rafay.
La preuve la plus troublante dans cette affaire était la tentative de la Couronne d’établir le moment où les parents de Christine Jessop étaient rentrés chez eux. Entre le moment où Christine a été ramenée par le bus de l’école et le retour de sa mère, il y avait de grandes d’opportunités pour l’enlèvement. Il était impossible pour Morin de commettre le crime; il avait un alibi corroboré à ce moment-là. Son premier acquittement est fondé en partie sur cet alibi. Cependant, sous la pression intense de la police et les procureurs de la Couronne, le discours des Jessop est devenu confus, ils ont admis lors du deuxième procès qu’ils pourraient être retournés à la maison plus tard que ce qu’ils pensaient. La nouvelle histoire mise en avant par le ministère public a gagné en crédibilité avec ce nouveau jury. Un parallèle est à faire pour le cas Rafay / Burns. Un des voisins de Rafay, Marc Sidell, a essayé de modifier le moment où il a entendu les meurtres (de 9:45 à 9:20), qu’il a plus tard admit comme étant incorrect.
Une enquête sur la condamnation injustifiée de Guy Paul Morin a accusé les procureurs d’avoir ” un seul but en tête et une théorie trop restreinte… de manière à colorer de façon déraisonnable l’évaluation des informations reçues. ” Ils ont présumés que Morin était coupable, alors que toutes les informations étaient soit filtrées soit déformées.
Dans l’affaire Burns / Rafay, le problème devant lequel devaient faire face les procureurs était l’alibi corroboré qui a placé les deux adolescents au cinéma pendant le temps des meurtres ainsi que les temps doublement corroborés donnés par les voisins des deux côtés de la maison Rafay. Comme évoqué précédemment, les garçons ont soit quitté la salle de cinéma pendant le film, soit le meurtre n’a pas eu lieu lorsque les voisins jurent l’avoir entendu être commis. Si la police avait cru l’histoire la plus probable, que Sebastian et Atif n’ont rien à voir avec les meurtres, alors ils auraient été obligés de chercher ailleurs pour les suspects plus probables. Mais depuis, à leur avis, les garçons devaient être coupable, les faits eux-mêmes doivent être une erreur. Après la vision tunnel, vient ensuite un phénomène connu comme corollaire à la loi de Meyer. Si les faits ne correspondent pas à la théorie, il faut changer les faits .
Un autre facteur dans le deuxième procès de Guy Paul Morin, et celui qui est lié directement à Burns et Rafay, était une diffamation réussie. Morin a été décrit par les procureurs comme anormaux; en fait, il avait été diagnostiqué comme légèrement schizophrène. Il avait utilisé le terme «très innocente » pour décrire Christine Jessop à la police; il était «bizarre»; il vivait avec ses parents; il a bricolé des voitures toutes les heures de la nuit; il avait des ruches; il a joué dans un groupe; il était réservé. Et, après tout, il a vécu presque à côté des Jessops. Ces insinuations préjudiciables ont révisé le témoignage des Jessops, le parjure des témoins et le détournement des preuves médico-légales ont abouti à une condamnation injustifiée. Les procureurs étaient disculpés, leur réputation sauvée, et Guy Paul Morin est retourné en prison.
Burns et Rafay ont été dépeints comme un amalgame des auteurs (ou supposés auteurs) de crimes similaires. Après les verdicts de culpabilité de Burns / Rafay, les procureurs pensaient que le bien avait triomphé sur le mal, avec une touche d’égoïsme. Ils avaient triomphé dans la salle d’audience, leur réputation étaient sauvées, tandis que Burns et Rafay ont été emprisonnés à vie, sans libération conditionnelle. Mais alors qui peut juger un procureur par la façon dont il se comporte après un procès ? C’est un peu comme essayer de juger une personne par la façon dont il se comporte sur une scène de meurtre.
L’un des principaux témoins dans l’affaire Morin était un mouchard en prison, Robert May. En 2007, le juge Michael Brown de la Cour supérieure de l’Ontario, tout en condamnant May de délinquant dangereux dans une affaire totalement indépendante, décrit le témoin phare de la Couronne dans l’affaire Morin comme un «psychopathe et un menteur incorrigible avec peu de perspective de la réhabilitation ». Des témoins comme May sont utilisés lorsque l’affaire contre le défenseur est soit faible soit inexistante. Mais le raisonnement est qu’il est acceptable d’utiliser des témoins subornés lorsque vous êtes du côté des « gentils ».
La croyance en la culpabilité de Morin était si profonde et indélébile, que même lorsque l’ADN trouvé dans le corps de Christine Morin l’exclu, le procureur restait persuadé qu’il était coupable. Le fait est que ce procureur ait été contraint de présenter des excuses pour ses déclarations à la presse ont peu fait pour apaiser l’humiliation de la famille Morin et la douleur des Jessops. Le problème dans ce cas a été caractérisé comme une «erreur», une erreur tragique, le résultat de la vision tunnel. Une enquête sur la condamnation de Thomas Sophonow, un Canadien qui a finalement été innocenté pour le crime de meurtre de sa femme, a conclu ce qui suit :
La vision tunnel est insidieuse. Elle peut affecter toute personne impliquée dans le système judiciaire, avec des conséquences parfois tragiques. Il en résulte que l’officier est tellement concentré sur un individu ou un incident qu’il ne pense à rien d’autre. Ainsi, la vision tunnel peut entraîner l’élimination d’autres suspects qui doivent être étudiés. Toute personne, agent de police, avocat ou juge peut être infecté par ce virus.
Cette idée met en route une mauvaise analogie. Le problème avec ce virus est que, alors que différents acteurs du système judiciaire peuvent apparaître comme ayant ce « virus », les souffrances et conséquences sont en fait supportées par quelqu’un d’autre. C’est la même chose que de dire que vous avez un cancer mais que votre tumeur se développe dans le corps de l’un de vos amis. Et quelle souffrance ! Pour le prisonnier lambda, un énorme tribut est pris, jour après jour et les portes en fer se referment petit à petit. Au moins ils peuvent être consolés par quelques notions abstraites de la justice : ils ont commis le crime, ils paient le temps. Pour la mauvaise personne incriminée, le supplice est proche de l’agonie. Sebastian Burns a passé 6 ans à Walla Walla en confinement individuel; sa personnalité excentrique a rendu difficile pour lui d’éviter les conflits avec les codétenus (Walla Walla est connue pour être la prison la plus difficile de l’Etat de Washington.) Burns est maintenant à Clallum Bay sur la Péninsule Olympique et semble avoir été victime d’une dépression mentale dont il ne se remettra certainement jamais. Depuis, Rafay pèse à peine 130pounds, et Burns apparaît comme étant celui qui manie la matraque qui a tué la famille de Rafay. Il mérite donc une plus grosse peine.
Les auteurs de l’injustice n’endurent pas les conséquences négatives découlant de la mauvaise accusation. Ils dont responsables, mêmes inconsciemment, pour un crime qu’ils ont eux-même commis : l’emprisonnement d’une personne innocente. Ils ne paient même pas de compensation lorsque le jugement est renversé ; les imposables le font. Ce qui est réellement trompeur c’est que le respect pour la vérité est parfois, comme cela été le cas dans l’affaire Sebastian Burns et Atif Rafay, affirmé par le besoin de gagner un jeu légal. Dans l’affaire canadienne, Boucher v. The Queen, le point est appuyé avec insistance. Par définition :
Le rôle du procureur exclut toute notion de gain ou de perte.
Jeff Robinson lui-même doit supporter certains blâmes pour ce qui est émané de la Cour du Juge Mertel. Lorsque le jugement a commencé, il a dit « Cela va être la guerre”, ce qui voulait dire qu’il était engagé dans une lutte pour la vie ou la mort avec les procureurs. La première cause de la guerre, c’est la vérité.
Un jour, cela deviendra évident que les deux jeunes hommes, Atif Rafay et Sebastian Burns, étaient complètement innocents concernant le meurtre de la famille Rafay. Le bon sens était et est toujours le fait que tout ce donc nous avons besoin c’est la vérité. Rafay et Burns étaient incapables de commettre un tel crime, malgré le portrait de monstre anormaux dressés par les procureurs et le juge. Le monstre dans cette affaire est le monstre des aveux fabriqués, la laide hybride fausse preuve, les faux aveux, les fausses insinuations, suborné par les témoins et le tunnel de vision.