Source : Journal Métro
Auteur : Joshua Goodman
Le 29 mars 2016
Un général colombien qui aurait trempé dans la mort de civils tués mais ensuite présentés comme des rebelles a été arrêté lundi, devenant ainsi le plus haut gradé jamais épinglé pour un tel crime.
Le général Henry Torres, qui occupe actuellement un poste administratif au sein de l’armée, s’est livré à la justice dès que le mandat d’arrestation pour meurtre lancé contre lui a été rendu public.
Le bureau du procureur en chef a annoncé qu’il réclamera aussi la détention du général à la retraite Mario Montoya, un proche du président Alvaro Uribe qui dirigeait l’armée quand le scandale a éclaté en 2008.
La réputation des forces de sécurité colombiennes a été mise à mal quand on a appris que des milliers de civils ont été tués pour gonfler les bilans de leurs opérations, ce qui leur permettait ensuite d’empocher des primes ou de profiter de congés. Seulement une poignée d’officiers de haut rang ont toutefois été mis en accusation.
L’arrestation de M. Torres survient au moment où Human Rights Watch s’inquiète que l’entente intervenue entre le gouvernement colombien et des rebelles pour mettre fin à la guerre civile qui déchire le pays depuis plusieurs décennies puisse accorder l’impunité aux militaires qui ont prétendu que des civils tués étaient en fait des rebelles.
L’organisation new-yorkaise de défense des droits de la personne prévient dans un rapport publié lundi que l’accord intervenu entre Bogota et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) pourrait permettre aux soldats qui se sont rendus coupables de meurtres systématiques d’échapper à la prison ou complètement à la justice.
HRW rappelle que les responsables ou les auteurs de la politique d’extermination comparaîtront devant des tribunaux spéciaux. Ceux qui passent aux aveux éviteront la prison et écoperont, tout au plus, de huit ans de travaux forcés pour reconstruire les communautés détruites par le conflit.
Plus de 800 soldats ont été reconnus coupables d’avoir présenté des civils tués lors des combats comme des insurgés. HRW croit que l’ambiguïté de l’accord pourrait permettre aux responsables de ne pas poursuivre les responsables de ces crimes. Les militaires récemment condamnés pourraient même échapper à la prison et ceux qui sont déjà incarcérés pourraient être libérés.
«L’accord est un ‘échec et mat’ de la justice», a dit par voie de communiqué le directeur de HRW pour les Amériques, José Miguel Vivanco.
Des brigades militaires ont exécuté plus de 4000 civils à travers le pays entre 2002 et 2008, pour faire croire qu’elles exterminaient davantage de rebelles lors d’affrontements.
Le général Torres commandait en 2007, dans l’État oriental de Casanare, une unité militaire qui a tué un père et son fils pour ensuite prétendre qu’il s’agissait de rebelles.
L’arrestation du général Montoya, qui a reçu ordre de se présenter devant un juge le 31 mai, porterait un coup encore plus dur à la réputation de l’armée. Le militaire, un ancien ambassadeur en République dominicaine sous le président Uribe, a gravi les échelons de l’armée même si des groupes lui reprochent depuis longtemps d’avoir fermé les yeux sur les exactions d’un groupe paramilitaire quand l’armée a pris le contrôle d’un bidonville de Medellin en 2002.